Que cherche-t-on quand on lit par dessus l'épaule d'un étranger ? Quand on recommande à quelqu'un de lire ce roman ? Quand on annote dans la marge ce que l'on pense de telle ou telle idées de l'auteur ? N'essaye-t-on pas de mettre de son âme dans ce livre ? De parvenir à comprendre qui est cet inconnu qui ne l'est plus tant que ça puisque nos yeux partagent les mêmes mots, les mêmes lignes, les mêmes paragraphes ?

C'est le postulat de base de ce roman déroutant, soixante-neuf tiroirs, autant de chapitre court qui se croisent et s’entremêlent sur fond de l'histoire de la yougoslavie au début du Xxe siècle. On y suit Adam, jeune correcteur, qui comme bon nombre de personnage du roman est capable de « lecture totale », c'est à dire de se plonger tout entier dans un roman, de découvrir en vrai ce qui est écrit, mais aussi de pouvoir explorer ce qu'il y a entre les lignes et même de rencontrer et d'échanger avec celles et ceux qui lisent le même livre que lui. On lui demande justement du fait de ce talent, de lire un étrange roman et de le corriger. C'est celui d'Anastase Branitza, qui a écrit un suprenant roman sans personnage, où seules les descriptions sont posé sur le papier, mais avec force détails et recherche sous jacente, permettant aux lecteurs totaux de s'y perdre.

Et on va donc croiser, au fil des lectures et des lecteurs différents personnage. Anastase lui même mais bien d'autres personnages lié plus ou moins étroitement.

Le concept est original, on est presque dans de la science fiction et pourtant l'auteur de nous amène jamais sur ce terrain. C'est plutôt un roman méta, qui nous force à nous interroger sur notre expérience de lecteur. Prenons nous vraiment le temps de lire, que se passe-t-il quand on rentre dans une histoire. Comment notre regard modifie le roman. Quel est notre rôle de lecteur dans la grandeur d'un texte ? Et surtout comment le partage de la lecture, les discussions autour d'une œuvre participent au succès de celle-ci ?

Aisi se dévoilait à la demoiselle de compagnie l'ampleur d'une migration sans précédent. Les gens qui la composaient ne marchaient pas en colonne, personne en particulier ne les conduisait, ils n'étaient pas poussés par les mêmes raisons ; d'ailleurs, l'espace de leur pérégrinations ne pouvait être considéré comme un pays étranger, et pourtant il était difficile de donner à ce phénomène un autre nom que celui de migration.

Nous sommes donc invité à migrer à travers ces histoires, à contempler ces personnage qui en contemple d'autre, de rentrer dans ce roman qui nous parle de personnage qui rentrent dans un roman. Les fils se mêlent avec plus ou moins de virtuosité, plus ou moins de longueur.

J'ai au parfois du mal à ne pas sauter des pages, comme si la porte se refermait me laissant sur le palier de certains chapitre. D'autres ont été prenant comme des polars haletant. Mais bien souvent j'ai été laissé sur ma faim.


J'en garderai une réflexion intéressante et intrigante sur ce qu'est l'expérience de lecteur et notre responsabilité dans l’intérêt que peut avoir un roman. Comme un clin d’œil malicieux de la littérature, je suis amené à croiser ces soixante-neuf tiroirs au moment où est réédité la maison des feuilles qui lui aussi m'avait fait réfléchir au rôle du lecteur dans une œuvre. Sans ce parallèle malicieux de mon destin de lecteur, je ne sais pas si ce livre aurait atteind la moyenne. Encore une preuve que les livres ont autant de pouvoir sur nous que nous en avons sur eux.

Homegas
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le 6 févr. 2023

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Homegas

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