Si l'amour rend aveugle, je crois que l'amitié ça crève les yeux.

N'étant pas un fan absolu d'Orelsan, ni un néophyte totale de son univers, je n'attendais pas grand chose de ce programme Amazon Prime, contrairement à la personne qui m'a entraîné dans ce visionnage.

Et pourtant, c'est un programme étonnant et détonnant. L'histoire commence comme un pari fou : un jeune fan de vidéo va filmer son grand frère et sa bande de potes, losers magnifiques du rap de la banlieue de Caen. Ce qui aurait pu finir en vidéo qu'on regarde avec nostalgie sur un convertisseur de VHS va finir par être le substrat de base de ce documentaire, qui va prendre de la valeur parce que le pari est réussi : les losers sont arrivés en haut de l'affiche et remplisse Bercy, enchaîne les victoires de la musique et les tubes.

On va ainsi suivre à travers 6 épisodes de 45 minutes l'évolution de cette bande de potes dont le fer de lance est Orelsan. Alternant images d'archives, images issus des médias, témoignage ou interview actuels ; le documentaire est très bien rythmé. On voit grandir le talent et / ou les compétences de chacun. On comprend mieux les différents événements ayant rythmé la carrière d'Orelsan. Même sans être fan du bonhomme, c'est intéressant de voir comment fonctionne cette machine, qu'est ce qui permet de percer et qu'est-ce qui replonge dans les méandres de ce business.

J'ai été très touché par le montage. On sent la vision d'un frère qui a toujours cru dans la capacité d'Orelsan a devenir un grand artiste. Les tranches de vies qui nous sont proposées sont bien choisies et illustre bien les chansons qui les accompagnent (à moins que ce soit l'inverse).

Cette qualité est aussi le plus grand défaut : on comprend vite que cet amour fraternel n'autorisera pas de critique ou d'introspection douloureuse. On comprend bien l'emballement et l'incompréhension autour du phénomène de société qu'est devenu le morceau « sale pute ». Mais à aucun moment on ne questionne la misogynie du rap, ou du rappeur ou cette image d'incel un peu cultivé à travers ce début de carrière (et même après). Venir titiller de ce côté aurait permis de donner un peu de profondeur et de reliefs à ce documentaire.

Ici, on est souvent malheureusement trop souvent dans l'admiration béate. A quelques jours de la sortie d'un nouvel album, ça ressemble furieusement à une campagne de pub (mais ils auraient tort de s'en priver). Campagne de pub fort intéressante par ailleurs, mais qui serait devenu un objet vidéo bien plus intemporelle si il avait osé égratigner l'image doré de ce grand frère/artiste qui n'est jamais déstabilisé sur ce beau piédestal qui mérite quand même d'être visionné tant ce pari fou était osé et réussi.