"Il n'y a rien de palpitant dans la vie de Woody Allen"

Bon. Alors. Par où commencer. Parler de ce livre sera très difficile tant il faudra justifier des choses avant même de faire ce que je m'apprête à faire: critiquer. Parce que l'air de rien, ce produit est un livre. On le critiquera donc en tant que livre de genre autobiographique. Je ne voulais pas spécialement parler de cet ouvrage mais je me dois en fait de lui rendre honneur en raison de l'émotion qu'il m'a procuré.


Pour commencer, je dois avouer que Woody, c'est un type que j'aimais pas trop à cause des deux seuls films que j'avais vu à l'époque: L'homme irrationnel et Minuit à Paris. Très con-con, rien de croustillant, bref du cinéma oubliable selon moi. Puis j'ai vu Annie Hall: gros parpeing dans la face. Et Manhattan: moins bien mais un scénariste de génie était né selon moi.
Son autobiographie ne devait m'intéresser que vaguement mais l'ampleur de ce cinéaste, toute cette agitation autour de lui, et le dernier goût qu'il me restait de lui (à savoir un homme bourré de talent lorsqu'il écrit des dialogues, avec en prime, un personnage lucide et super drôle) m'ont poussé à juste titre à lire ces 500 pages.


Pour rentrer dans le vif du sujet, le livre se divise plus ou moins en trois parties: l'ascension de l'homme puis l'affaire Mia Farrow et enfin, l'après Mia Farrow. Malheureusement, et comme le dira Woody lui même à la fin de ce récit, c'est très regrettable qu'une accusation d'agression sexuelle pollue autant ce livre. Mais d'un autre côté, elle a tellement polluée la vie de l'homme. Mais chaque choses en son temps.


Concernant la première partie du livre, c'est tout simplement excellent. On retrouve le Woody des années 70 (enfin de ce que j'en connais), un homme lucide de sa propre condition sociale, qui a besoin d'être un drama queen et s'en fout totalement de ce qu'on peut lui dire. Ce personnage me touche beaucoup et rend très drôle de nombreuses péripéties. Il parle de différentes femmes avec une admiration poignante et palpable et c'est peut-être le seul objet de désir de W.A. qui peut rivaliser avec New York, la ville parfaite. Honnêtement, j'aurais pu lire encore 500 pages qui traitent de ces deux sujets (ainsi que du cinéma haha), dans la plume d'Allen, c'est top.


Après, vient une femme qui va tout polluer, à savoir Mia Farrow. Je pense très clairement que tout le monde se fout royalement de mon avis mais à la lecture des faits selon Woody Allen, c'est beaucoup plus simple que ce qu'on pourrait lire dans les médias. Personnellement, je donne mon dévouement en des personnes que je crois, que je respecte. Rationnellement, j'aurai donc confiance envers des personnes qualifiées, donc des scientifiques, des experts, des personnes auditionnées par la justice. En suivant ce raisonnement je me range donc du côté de Woody Allen et critique vivement Mia Farrow. Ouais, je critique une femme dans l'ère post Me-Too... Ai-je à craindre autant que Woody? Ptetre pas. Bref, faites preuve de raison et soutenez qui vous voulez, c'est vos oignons.


Puis vient une ultime partie super poignante, encore plus lorsqu'on soutient Woody Allen. Cet homme est bourré de talent et cela se voit selon moi au fait qu'il n'ait pas besoin de tout dire pour que l'on ressente tout ce qu'il veut nous faire parvenir. Le questionnement sur la mort et l'héritage de l'homme, ce qu'il adviendra du travail de toute une vie dans plusieurs années est selon moi un thème très présent alors qu'il est peu traité explicitement. Mais lorsque Woody en parle, surtout dans les dernières pages, ça déchire le coeur.


C'est une autobiographie très réussie selon moi. J'ai vraiment aimé l'aspect "fleuve" dans lequel l'auteur se permet de parler de ce qu'il désire sans que cela respecte nécessairement une rigueur chronologique. Par ailleurs, l'auteur atteint un niveau de proximité avec le lecteur où on pourrait avoir l'impression que Woody bavarde. Exercice qui paraît très simple, voilà toute sa complexité. C'est quand même impressionnant d'avoir réussi à montrer l'essence d'une personne justement sans chercher à tout inclure dans ce livre!


En conclusion c'est l'histoire d'un homme qui n'a pas eu une vie palpitante mais a tout de même réussi à vivre dans le milieu de l'art et à trouver un cocon de bonheur auprès de sa femme actuelle. Même si la paix est souhaitable, il aura fait l'objet d'un scandale, ce dont il rêvait secrètement. Peut-être qu'un scandale moins grave lui aurait convenu également... Mais que voulez-vous, nous vivons une ère post #MeToo qui n'a pas permis que de belles choses. Bien évidemment, le combar est noble. Très malheureusement, il a permis de servir la cause de certaines personnes (Mia Farrow, vraiment) sans que la presse vérifie vraiment si c'était le même combat. Pauvre Woody. Mais bon. Au cours de sa vie, Woody Allen a rencontre des gens formidables et est un homme formidable selon moi. Bosseur, rationnel, vrai.
En plus il critique Timo-thé Chatlamey en raison du fait qu'il ait vendu son âme aux Oscars. Je jubile.


Bref, si vous aimez le cinéma et que vous voulez entrer dans le monde de Woody Allen, foncez. Enfin maintenant je vais regarder ses autres films, j'espère qu'ils sont bons hahahahahaha.


Extraits que j'ai trouvé sympathiques:


"Même quand on est encensé, ça n'empêche ni l'arthrite ni le zona"


"Je donne toujours le même conseil aux jeunes cinéastes qui m’en demandent. Restez concentrés sur vos tomates. Appliquez-vous. Bossez dur. Prenez plaisir au travail. Si vous n’en éprouvez pas, changez de métier. Ne cherchez pas à imiter les autres. Vous avez votre propre idée de ce qui est drôle, vous connaissez le but à atteindre. Pas besoin d’en savoir plus. Vous avez une vision, efforcez-vous de la concrétiser. C’est simple comme bonjour. Jugez par vous-même. Vous savez si vous avez réalisé le film que vous aviez en tête dès le départ. Si c’est bien le cas, c’est génial, savourez le bonheur d’avoir accompli quelque chose, faites-vous un clin d’œil dans la glace, et passez à autre chose. Si vous volez de vos propres ailes, apprenez tout ce que vous pouvez en chemin, c’est-à-dire pas grand-chose quand on est artiste, et tâchez de faire mieux la prochaine fois."


"Un déjeuner avec Arthur Miller était une chose que je ne pouvais imaginer qu’en rêve quand j’avais quinze ans, quand j’avais vingt ans, et même ne serait-ce que la semaine précédente. Je lui posai trente-six mille questions, et j’ai le vif souvenir de sa confirmation que la vie est bel et bien dépourvue de sens. Je lui exposai mes sentiments envers la nature mortelle de l’homme. Je la comparai à l’habitude qu’on peut avoir de se réveiller à une certaine heure tous les matins, disons à 8 heures, or ce jour-là vous avez un rendez-vous à 7 heures qui exige de régler le réveil à 6 heures pour vous préparer et arriver à temps. Du coup, toute la nuit je dors mal parce que je sais que je dois me lever tôt et que le réveil va sonner à 6 heures. Ma nuit de sommeil est ruinée, à supposer que je parvienne même à m’endormir. C’est ainsi que ma vie est gâchée, parce que je sais que le réveil sonnera un jour et que je devrai partir ; le savoir m’empêche de trouver la paix de l’esprit et me fait me tourner et me retourner dans tous les sens chaque jour de mon existence, en attendant que mon heure sonne."


" Et puis les mensonges en rentrant à la maison, les motifs avancés le lendemain à l'école, les arnaques, les louvoiements, les mots d'excuse assortis de fausses signatures, les flagrants délits, l'exaspération parentale. "Mais quand même! Avec un QI pareil!". Au fait, chers lecteurs, il n'a rien de phénoménal, mais à entendre ce cri du coeur de ma mère, vous pourriez me croire capable d'expliquer la théorie des cordes. Il suffit de voir mes films pour s'en convaincre: plusieurs sont divertissants, peut-être, mais ce ne sont certainement pas les idées qui feront la révolution. "

morenoxxx
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le 22 juin 2020

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morenoxxx

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