Rebecca
8
Rebecca

livre de Daphné du Maurier (1938)

Comment faire d'une morte le personnage principal d'un roman sans jamais avoir recours au flashback, c'est là que s'exprime tout le talent littéraire de Daphné Du Maurier.
Rebecca, compagne morte de Mr de Winter apparaît au détour d'une signature voluptueuse sur un morceau de papier, sur les étoffes de soie d'une lingerie qui en dit long sur le passé de femme fatale de l'héroïne éponyme ou encore dans les ombres flotantes de sa dernière demeure secrète, l'épave dans la crique.Si le prénom de la nouvelle femme de Mr de Winter n'est jamais mentionné, le fantôme de Rebecca lui, se fait omniprésent, opressant et prend toute son ampleur, toute sa cruauté envers la fausse héroïne de l'histoire l'orsque l'effrayante Miss Danvers, domestique en chef de Manderlay exerce sa pathétique malveillance sur cette créature angélique.Danvers, digne héritière du roman gothique, personnage que l'on attend au détour de chaque chapitre décrite telle une morte vivante, déambulant dans le souvenir douloureux de sa Rebecca ne cessera de tourmenter la nouvelle épouse, exact contraire de la grande dame en noir.Dès l'introduction Du Maurier bouscule les barrières spatio temporelles, anime son histoire au moyen de diverses sensations, l'inquiétant parfum d'une fleur, un fauteuil usé, un mari dont les silences accablants laissent penser à sa compagne qu'elle n'est pas à la hauteur de sa situation de grand bourgeois.Toute cette histoire se déroulant pourtant en une seule unité de lieu, il fallait une nouvelle femme virginale pour se faire ainsi empoisonner par le passé et y trouver une libération.Pour le lecteur il va sans dire qu'il prend un malin plaisir à voir ainsi Mme de Winter se faire malmener, à perdre son innocence. Chose impossible sans la majestueuse demeure de Manderlay véritable personnage du roman dans la tradition littéraire du XIXème où le sentiment de peur fonctionne à merveille.Il faut le dire, le mal est présent partout dans ce roman à la progression dramatique parfaitement charpentée (seule la traduction française est un peu lourde vers la fin).
Mais atention voici un vrai faux roman gothique, nous savons dès le départ que Mme de Winter reste en vie même si poussée au suicide par Danvers.La fin, bien ambigue , une certaine complicité dans le meurtre et les flammes d'un incendie infernal ou rédempteur laissent penser que Du Maurier ne s'est pas laissée emporter par une certaine convenance morale.
Bien sur ce cher Hitchcock a su retranscrire parfaitement le roman atmosphérique dans cette Angleterre austère et insufler aux personnages toutes leurs caractéristiques, allant jusqu'à ne jamais filmer les pied de Miss Danvers pour nous donner l'impression d'un flottement fantomatique.
Je ne sais toujours pas de laquelle des deux oeuvres je préfère.
Ligeia
8
Écrit par

Créée

le 10 mars 2012

Critique lue 2.2K fois

15 j'aime

5 commentaires

Ligeia

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

15
5

D'autres avis sur Rebecca

Rebecca
JeanG55
10

J'étais comme une enfant qu'on amène pour la première fois à l'école

J'ai été amené à lire le roman "Rebecca" après avoir été bluffé par le film, obsédant et romanesque en diable, de Hitchcock. Je l'ai lu une première fois dans la collection "Bouquins" puis après...

le 17 janv. 2021

11 j'aime

20

Rebecca
Agathe_Schlenck
9

Critique de Rebecca par Agathe Schlencker

Drame intimiste, ce célèbre roman soulève néanmoins une question universelle et intemporelle : comment succéder à l’Autre, cette femme qui nous a précédé dans la vie de l’être aimé ? Tâche difficile,...

le 23 nov. 2013

9 j'aime

4

Rebecca
JLP_2
8

Le mystère... toujours

Le bouquin avait une reliure en cuir brun et se trouvait au milieu d'autres livres à reliure en cuir dans la bibliothèque de mes parents. Un jour je l'ai attrapé et ouvert. Que dire ? J’étais sans...

le 23 août 2020

7 j'aime

3

Du même critique

Alien³
Ligeia
7

Quand l'alien mute, Ripley évolue.

David Fincher nous fait le coup de la Tabula Rasa non pas pour anéantir le travail des réalisateurs précédents mais pour repartir sur de nouvelles bases.Exit enfin l'artillerie lourde de Cameron qui...

le 5 avr. 2012

66 j'aime

16

Blanche-Neige et le Chasseur
Ligeia
4

Mauvaise Potion

Le film combine les uns après les autres les ingrédients d'emprunt à Blanche Neige(normal), Le seigneur des anneaux, Jeanne d'Arc et un peu de Twilight quand même.Phénomène hollywoodien courant mais...

le 14 juin 2012

54 j'aime

20