Une petite ligne qui n'a l'air de rien, neutre en apparence, s'inscrit sur l'écran, porteuse de curiosité, toujours, d'intérêt ou d'espoir elle symbolise désormais l'échange privilégié entre les êtres puisque nous sommes définitivement entrés dans l'ère du mail.
L'ère du mail dans l'air du temps c'est ce qu'a bien compris et que nous propose Daniel Glattauer, journaliste et écrivain autrichien, avec son roman Quand souffle le vent du Nord où il a su parfaitement s'adapter aux technologies modernes.


Comment ne pas penser, sur le même thème, à la chanson de Calogero Pomme C, qui célébre la rencontre virtuelle, les fantasmes et la fascination qu'elle peut engendrer, parlant d'abord à l'imaginaire et privilégiant le mystère de l'autre?
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : la rencontre fortuite de deux êtres via Internet et un joli coup de pouce du hasard, d'aucuns diraient du destin.


A la base une erreur : Emmi se trompe, envoyant son mail de résiliation à une fausse adresse, Léo lui répond poliment, elle s'excuse, et comme si ni l'un ni l'autre n'avaient envie de briser le fil ténu de cette approche pourtant bien superficielle, les mails s'échangent, une banalité en appelant une autre mais contenant en germe cette "fameuse" curiosité qui pointe le nez et détermine tout.


Géraldy n'écrivait-il pas dans un délicieux poème découvert à l'adolescence : "On aime d'abord par hasard, par jeu, par curiosité, pour avoir dans un regard lu des possibilités" ?
Une pause ludique dans une existence rangée où l'imprévu n'est pas de mise et qui justement va perdurer chez les deux protagonistes, ne tardant pas à se muer en une fascination réciproque au travers de ces mails, dérisoires, banals, où ils parlent de tout et surtout de rien, la meilleure façon finalement de se protéger, croient-ils, en fait de se dévoiler sans rien révéler.


On apprendra tout de même que Emmi est mariée et heureuse, que Léo sort d'un chagrin d'amour et que tous deux d'un commun accord repoussent tout en l'appelant de tout leur être l'inévitable rencontre dans la vraie vie, celle qui briserait peut-être leurs rêves et leurs fantasmes.
Je sais qu'une suite à été écrite : je crois que je ne la lirai pas préférant sans doute rester sous le charme du virtuel de ce roman-dialogue dans lequel éclate le talent, non pas d'un écrivain, mais d'un extraordinaire conteur qui nous fait partager le charme de ces échanges via Internet: l'usine à rêves du XXIème siècle.
Et juste pour le plaisir un extrait de ces échanges virtuels dans lesquels l'imagination est souveraine:


"Vous êtes tellement sévère, Emmi. Ne soyez pas si sévère. Je ne veux pas de café. Je veux Emmi. Venez chez moi. Buvons encore un verre de vin. Nous pourrions nous bander les yeux, comme dans le film.J'aimerais vous embrasser. Je me moque de votre apparence. Je suis tombé amoureux de vos mots. vous pouvez écrire ce que vous voulez. Vous pouvez être aussi sévère que vous le désirez. J'aime tout. D'ailleurs, vous n'êtes pas sévère du tout. Vous vous forcez, vous voulez avoir l'air plus forte que vous l'êtes.Dommage que vous soyez mariée. Non, c'est bien que vous soyez mariée. Trompez-vous votre mari Emmi ? Ne le faites pas. Cela fait si mal d'être trompé Je veux embrasser Emmi. Je suis un peu ivre, pardonnez-moi. Baiser de bonne nuit. Dommage que vous soyez mariée. Je crois que nous irions bien ensemble. Emmi. Emmi. Emmi. J'aime écrire Emmi. Une fois le majeur gauche, deux fois l'index, le majeur droit. EMMI. Je pourrais écrire Emmi des milliers de fois. Ecrire Emmi, c'est embrasser Emmi. Allons dormir, Emmi."

Aurea
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le 20 mars 2012

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Aurea

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