La récente popularité de « Paris est une fête », avec ces tristes évènements de 2015 que l'on connaît tous, m'a, comme bien d'autres, poussé à me pencher sur son cas. Ne sachant pas à quoi m'attendre, je n'avais pas d'idées préconçues, si ce n'est que le titre me paraissait alléchant. Bien m'en a pris, car qui cherche une succession de scènes de fêtes et de réjouissances dans le Paris des années 20 serait déçu. La fête dont parle Hemingway est ailleurs. Paris est une fête car alors tout y semble simple, et Hemingway y vivait heureux avec sa femme. C'était d'ailleurs peut-être le moment le plus heureux de sa vie, avec la période qui a suivi, avec sa seconde femme, Pauline. Cet ouvrage est construit autour d'une collection de « vignettes parisiennes », chaque chapitre formant à peu près une histoire indépendante des autres, visant à illustrer tel ou tel aspect de la vie à Paris d'alors, ou le caractère et le comportement des nombreux personnages que Hemingway avait rencontrés, des plus illustres (Francis Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound…) aux plus humbles (des serveurs de cafés fort sympathiques, le chauffeur de voiture de Fitzgerald exaspéré par ses excentricités, un ex-soldat de la Grande Guerre truculent…). Outre la galerie de personnages sacrément haute en couleur, ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est la retranscription de « l'art de vivre » à la française. Dans un style presque journalistique, concis (ce qui donne d'autant plus de force au récit), Hemingway nous parle de ses repas plantureux, de ces vins fort appréciables, de ces terrasses de café, si belles, et qui nous sont si chères, jusqu'à en avoir coûté la vie à des gens qui profitaient simplement d'un bon moment avec leurs proches… Hemingway travaillait lui-même attablé à un café, la Closerie des Lilas, et il nous raconte avec précision ses sentiments d'alors, et même comment il écrivait, c'est-à-dire son processus d'écriture, sa ou ses méthodes de travail (fort simples au demeurant). Et cet aspect là de « Paris est une fête » est tout bonnement passionnant, on apprend beaucoup, mine de rien, sur ce sujet. Mais ce qui est touchant, c'est avant tout le portrait qu'il fait de sa femme et de son couple. Ils étaient très pauvres, mais aussi (était-ce lié ?) très heureux. Et comme certains passages le suggèrent, le véritable héros, ou plutôt la véritable héroïne de ce récit, c'est Hadley Richardson, sa première femme. Simple et joyeuse, il semble en effet qu'elle et Hemingway se soient beaucoup aimés, et je crois bien que toute sa vie, il garda beaucoup d'affection pour elle. De sorte, d'ailleurs, qu'elle figure en toute première place du dernier ouvrage qu'il ait écrit avant de mourir. Par bien des aspects, ce livre est réjouissant. Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais qu'il s'agit d'une belle photographie, d'un bel instantané d'alors. Mais pas une photo sépia ou en noir et blanc : une photo en couleur, comme celles du musée Albert Kahn, prises au début du XXème siècle et qui nous donnent l'incroyable impression d'y être. Un instantané vivant, qui nous fait revivre cette époque, et par dessus tout combien Paris était une ville magnifique, la ville de tous les possibles. Oui, Paris était, et est toujours bien une fête.


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 15 Ouvrages sur l'art, Les meilleurs livres sur l'art et 200 livres

Créée

le 16 janv. 2016

Critique lue 527 fois

3 j'aime

3 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 527 fois

3
3

D'autres avis sur Paris est une fête

Paris est une fête
RaphPec
5

Grosse Déception

Quelle déception ! A la suite des attentats de novembre 2015, cet ouvrage était cité en référence pour rappeler l'âme, la joie, l'ouverture et la fête à Paris. Le livre est d'ailleurs passé en tête...

le 2 mai 2016

16 j'aime

6

Paris est une fête
Zolo31
7

Dans les pas d'Ernest H.

Ce n'est pas vraiment à une fête que nous sommes conviés mais plutôt à des ballades dans le Quartier Latin avec le pote Hemingway qui nous fait rencontrer des serveurs de café et ses connaissances...

le 12 mars 2016

13 j'aime

4

Paris est une fête
cilece
3

Où est la fête?

Je pensais que commencer Hemingway par un bouquin ayant inspiré un si joli film (plat, mais joli), était une bonne idée. Je me suis trompée, tant je n'ai pas compris la valeur de l'auteur à travers...

le 22 oct. 2013

9 j'aime

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

58 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20