Dans un train de nuit, des inconnus font connaissance, certains superficiellement, d'autres intimement. Mais un accident va venir contrecarrer tous ces destins. L'idée était séduisante. Elle est hélas très mal traduite littérairement, comme on va le voir. Le pari était brillant, le résultat est con.

Philippe Besson commence par nous présenter chaque protagoniste : sexe, âge, profession, situation sentimentale. Puis il les associe par "couples" : Alexis et Victor, Catherine et la bande de jeunes, Serge et Julia. Victor va faire son coming out au contact d'Alexis, Catherine va trouver en Enzo le militant qu'elle fut dans sa jeunesse, Serge va draguer Julia sans parvenir à ses fins, parce que, quand même, on ne peut pas cumuler deux coïts dans le même wagon, mais les deux sympathiseront. A l'arrivée, Catherine et Victor y laisseront leur peau, tandis que Dylan aura gagné le coeur de Manon, qu'il convoitait depuis si longtemps.

Tout cela est assez bien mené mais ce qui pèche, c'est l'écriture. Dès la première page, on est dans le bain, avec cette métaphore extra plate :

Autour d'eux, des flocons virevoltent, tombés des peupliers : on dirait de la neige au printemps.

Difficile de trouver plus banal. J'en ai relevé quelques autres. Page 143 :

... ils ne décident plus de rien, de rien du tout, ils ne sont plus que des paillettes argentées dans une boule à neige secouée par un enfant turbulent.

Pas besoin d'être turbulent pour que la neige virevolte dans la boule. Page 177 :

Quelqu'un doit payer, quelqu'un doit prendre la colère comme on prend la foudre (...)

Que fait l'éditeur ? Personne ne lui a dit que "prendre la colère comme on prend la foudre" c'est du niveau collège ?...

Mais, non content de se revendiquer poète, notre écrivain verse dans la philosophie, ce qui nous vaut quelques sentences définitives. Page 126, alors qu'Alexis se demande s'il doit pousser Victor à faire son coming out :

Le mensonge, parfois, vaut mieux que la vérité nue. L'aveuglement, parfois, vaut mieux que la lumière crue. Les regrets sont moins corrosifs que les remords. Les accommodements moins coûteux que les bravades.

Page 114 :

... l'occasion sera manquée, la vie quelque fois c'est des occasions manquées.

Ah c'était donc ça la vie. On sera pris d'un vertige métaphysique face à cette autre assertion de la page 146 :

La vie, c'est si peu de choses, et ça passe si vite.

On est au café du commerce Ce n'est pas tout. Besson use d'effets racoleurs, comme celui qui consiste à terminer un chapitre de cette façon, page 75 :

Difficile de croire que c'est une nuit pour mourir.

Tatataaaa ! Suspense !... Sur la fin, il verse dans le gnangnan, par exemple page 188, dans la bouche de Victor à l'agonie :

"J'ai compris tellement de choses cette nuit... J'ai eu l'impression d'être... moi... pour la première fois"

Notons pour finir cette formule incorrecte, page 194 :

(...) alors ils ont foncé sur la nationale, ils n'ont pas respecté les vitesses, mais qui le leur reprochera ?

Gnééé ? "Respecter les vitesses" ? Les limitations de vitesse non ?

Bon, je crois qu'on a compris. Le problème, c'est que je n'ai pu relever que des passages faibles, rien d'intéressant à se mettre sous la dent... En résumé : bien raconté, pas con non, ça c'était juste pour le jeu de mots, mais mal écrit, tout simplement.

5,5

Jduvi
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le 26 sept. 2023

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Jduvi

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