Mâle au coeur

C'est étonnant comme j'oublie à chaque fois à quel point j'aime le style de Maupassant. A croire que le gaillard a eu tort de ne pas passer ses livres à expliquer à quel point il était un grand écrivain, contrairement à ce que firent Zola ou Hugo. Lui s'est contenté de ciseler discrètement des merveilles d'intelligence, de grâce et de tristesse, et voilà comment je le remercie !

Il n'y a pas que moi qui me montre ingrat ; Notre Coeur est un peu délaissé au profit d'Une Vie, de Fort la Mort ou de Bel-Ami, pourtant, comme disait l'autre : il a tout d'un grand. Grâce à une quasi totale absence d'intrigue assumée, Maupassant s'y plait à regarder à la loupe deux étranges animaux de la Haute, un raté sensible et une femme du monde blasée, essayer de s'aimer. C'est tout, mais ce n'est pas rien.

Car Guy est un fameux guide, qui éclaire ses personnages - disait-il - "avec du jour et non avec des commentaires". D'une lumière douce, mais franche, comme ces belles après-midi d'hiver où règne un soleil aussi éclatant que froid. Cicérone soucieux de ses invités, il nous promène dans les salons huppés de la capitale avec un sourire un peu las, mais toujours sincère et compatissant, pour nous pointer d'un doigt subtil, délicat, toutes les incohérences de notre espèce, que sans lui nous n'aurions jamais pris la peine de regarder de si près.