Mythologies
7.5
Mythologies

livre de Roland Barthes (1957)


« Le mythe est une parole »



S'il n'y avait qu'un seul concept à retenir de ce petit livre ce serait celui-ci manifestement. Cependant, au-delà Barthes nous embarque dans son quotidien. Il nous emmène voir des films, dans la salle d'audience du tribunal, au restaurant, sur les bords des routes et même dans le strip club !


Une question légitime serait : « comment se fait-il qu'un auteur aussi compliqué — dans les deux sens du terme — que R. B. soit aussi... trivial ?! ». Car oui, ce n'est ni le critique littéraire qui se présente, ni le sémiologue qui se découvre. On cherche patiemment à comprendre qui nous partage son quotidien, sa vie ordinaire. C'est bien simple, n'importe qui. Cet essai est celui de n'importe qui, dans sa matière première.
Mais c'est par les outils du langage ordinaire que Barthes excelle en nous montrant que ce n'est pas un cela-va-de-soi. Nos interjections, expressions, habitudes, représentations imaginaires, nos événements sportifs et culturels sont performatifs (en référence à une certaine mise en scène) et cette performance a du sens pour nous parce qu'elle participe de l'idéologie (au singulier). C'est cette construction que démonte avec humour et légèreté Barthes.
La méthode pour y parvenir ? Le fragment. La juxtaposition de petits articles comme une fresque en reconstitution qui nous invite à nous lecteur de participer à une mise en rapport et diverses connexion au sein de l'œuvre et même dans notre temps !
D'un point de vue davantage théorique, cette œuvre est des premières dans les publications de R. B. (la troisième si ma mémoire ne me trompe pas). Dans sa maturité intellectuelle il n'a encore qu'une forme intuitive de la linguistique qu'il découvre à peine (il déclare découvrir Saussure en 1951), ce qui a pour effet de rendre le texte accessible, à mi-chemin entre la critique littéraire, la sociolinguistique et la sémiologie. C'est ainsi que les outils théoriques mobilisés, bien que dans un langage ardu, sont, finalement, très accessibles : le métalangage, la connotation, le truisme, la physis théâtrale etc.


Au-delà il est important de rappeler que nonobstant cette partie théorique corsée, le paysage des « petites mythologies » est indéniablement, marrant, informatif et représentatif de la société française des Trente glorieuses.

LMaunas
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le 7 nov. 2020

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