Ce livre doit être interdit. Non, aucune paranoïa. Certains cherchent ce qui différencie les humains du reste du règne animal. D'autres s'inquiètent de messages déposés dans des sondes interstellaires qui pourraient trahir notre espèce. Les paléontologues sont certains de trouver des sites humains quand ils dénichent des perles ou des résidus de peinture. Des films d'anticipation imaginent des protocoles ingénieux qui permettraient de trahir les non humains cachés parmi nous.
En fait, si une forme d'intelligence voulait caractériser l'humanité, il lui suffirait de lire Madame Bovary ; le livre dépeint ce que nous sommes tous, il définit l'espèce : un concentré de pulsions incohérentes, la certitude de notre unicité et de notre destin personnel, une bêtise sans borne et malgré ce la capacité à appréhender le sublime. Le livre n'a pas de sujet, la bonne blague, il présente le seul sujet qui nous intéresse, nous, nous, nous et nous ; seulement voilà, il n'y a pas d'oripeaux, les fantasmes et les délires butent sur la réalité, cette saleté de réalité qui nous attend tous, dès que nous pointons le nez dehors. Il dépasse Don Quichotte qui restait suffisamment lointain, daté pour rester dans le picaresque. La petite Emma, on peut la transposer à n'importe quelle époque dans n'importe quel milieu social, elle fonctionne et pour cause. Elle peut être la starlette de téléréalité, le fanatique d'hier ou d'aujourd'hui, Marie Stuart, le conscrit qui part à la guerre pour défendre une noble cause. Alors évidement, il faut un peu se défendre, les personnages nous semblent étrangers un peu comme les clichés qui nous représentent, non la lumière est trop crue, le photographe est mauvais, j'étais pas en forme. Et puis quoi, voilà maintenant qu'il faudrait se rappeler tous les petits arrangements quotidiens qui façonnent nos vies. Bref, cet homme touche à l'universel et dans une écriture qui justifie à elle seule l'existence du français, finalement la tour de Babel n'est pas une malédiction et comme Emma il faut accepter ce que nous sommes et boire la coupe jusqu'à la lie.

Lecteur-carnivore
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le 20 août 2018

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