Philosophie, sagesse, linguistique, ethnologie, histoire, poésie pour une fois je crois qu'il vaut mieux oublier les étiquettes, et simplement lire "les transformations silencieuses", lire et laisser agir.
C'est brillant, c'est court, c'est foisonnant... Non, vrai, là pas d'excuse, tout le monde devrait avoir ce livre dans sa poche. Car ce qu'il développe est simple à comprendre et terriblement difficile à appliquer pour nos esprits platono-aristotéliciens. Ou : du bon emploi du lâcher-prise.


Je vous le résume ? Bon, mais la force de Jullien, c'est d'inscrire sa réflexion DANS ses mots mêmes, un résumé ne sert pas à grand chose. Disons rapidement qu' il use une nouvelle fois de la comparaison entre des habitudes de pensée occidentales et chinoises pour traquer les façons d'être au monde. De voir venir. De s'y inscrire. Ici, il s'attache surtout à scruter les manières dont l'homme se sent, ou ne se sent pas justement, vieillir, et changer. Remarquant que les Grecs sont les penseurs de la métamorphose soudaine, quand les Chinois se laissent couler dans la transformation lente et continue. Avec beaucoup d'intelligence, de tact (cette politesse de la distance) et de sensibilité, Jullien déroule sa réflexion-rêverie, pour essayer de sentir ce qui, chez nous occidentaux, reste tapi dans l'ombre à cause de nos langues prédicatives et de nos volontés vindicatives.


A nous le Sujet tout puissant, qui flotte sur des Contraires irréconciliables, à nous le Temps, divinité terrible, à nous le sens du Drame et son corollaire, l'événement. A eux le Monde qui englobe et caresse, les Qualités qui se fondent l'une dans l'autre, le Moment auquel on s'adapte, et la Dissolution. En gros, certains voudraient modéliser l'existence et la rendre conforme à un Idéal pré-posé, quand d'autres préfèrent les méthodes inductives pour accompagner, d'une main solide mais respectueuse, toutes les mouvances du Réel. Entre ces deux blocs, Jullien ne tranche pas, au contraire, tout son patient travail est de lancer des ponts, pour traverser lentement le miroir des eaux, lentement : le temps de s'y voir, soi et l'Autre, s'y refléter et s'y mêler.

Chaiev
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le 1 oct. 2011

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Chaiev

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