Les premières lignes du livre ?
"Au tout début, il y a Soraya. Soraya et ses yeux de crépuscule, ses lèvres boudeuses, et ses grands rires sonores. Soraya qui, avec fulgurance, passe du rire aux larmes, de l'exubérance à la mélancolie, d'une tendresse câline à la brutalité d'une écorchée. Soraya et son secret, sa douleur, sa révolte. Soraya et son histoire démente de petite fille joyeuse jetée entre les griffes d'un ogre. C'est elle qui a déclenché ce livre."

Que raconte l'histoire ?
Ce livre est un témoignage de la situation des femmes sous l'ère du dictateur Kadhafi. Principalement, celui de Soraya. Séquestrée à 15 ans par les complices du "Guide", esclave sexuelle de ce dernier, régulièrement battue, violée, insultée, humiliée, elle vivra enfermée durant de nombreuses années dans un sous-sol en compagnie d'autres jeunes filles captives du dictateur. Soraya nous livre dans son témoignage son histoire sans en accentuer les faits, sans fioritures. Avec le seul désir d'être cru pour pouvoir enfin reprendre le cours de sa vie.

Suite au témoignage, il y a toute la partie enquête journalistique d'Annick Cojean. Cette enquête va plus en profondeur, à la rencontre de nombreux témoins et met en lumière ce qui n'est pas explicité dans le témoignage.

Les phrases qui m'ont marquées ?
"Mais Kadhafi nous a tous pris pour des esclaves ! Il a vomi sur son peuple toutes ses souffrances passées, détruisant notre culture, balayant notre histoire, imposant à Tripoli le néant du désert ! Certains Occidentaux se sont pâmés devant sa soi-disant culture alors qu'il méprisait la savoir et la connaissance. Il devait être le centre du monde ! (...) Oui, le sexe fut en Libye un moyen de pouvoir : "Tu t'écrases, tu m'obéis, sinon je te viole, toi, ta femme, ou tes enfants." Et il le faisait, condamnant tout le monde au silence. Le viol fut une arme politique avant qu'il n'en fasse une arme de guerre."

Une bonne raison de le lire ?
Que nous le voulions ou non, nous faisons parti d'un tout. Ma vie, comme la vôtre, est influencée et impactée par les décisions que peuvent prendre non seulement les dirigeants de mon pays mais aussi de l'Europe et du monde dans son ensemble. L'actualité est essentielle afin de savoir où nous en sommes chaque jour.

Je n'aime pas regarder les infos mais je le fais néanmoins chaque matin en prenant mon petit-déjeuner avant d'aller travailler. Pour les raisons évoquées ci-dessus. Aussi rêveuse et candide que je puisse être, je ne peux ignorer la situation de mon pays et du monde entier. Comme beaucoup d'autres personnes, j'ignorais beaucoup de choses sur la Libye et Kadhafi. Ce livre m'a permis de cerner qui était ce dictateur et faire jaillir au grand jour les horreurs qu'il a infligées à son peuple.

Ce témoignage est très important car il fait parti de l'Histoire, au même titre que la 2nde guerre mondiale. Certains diront que ce n'est pas à même échelle que la guerre. Mais l'horreur et la souffrance sont-elles quantifiables ? Bref, la question n'est même pas là.

Un bémol ?
J'aurai personnellement aimé savoir ce qu'il est advenu de Soraya. L'auteure, grand reporter au "Monde" en parle un peu mais cela reste très vague. La vie continue, qu'on le veuille ou non. Et je suis certaine que beaucoup d'autres choses attendent Soraya. Pour le meilleur, je l'espère.

Au niveau de l'écriture et du style ?
Le témoignage de Soraya et l'enquête sont très bien relatées et commentées. On sent un vrai travail d'Annick Cojean de coller au plus près de la vérité et de prouver ce qu'il est avancé.

A qui je l'offrirais ?
Je l'ignore. Je pense que ce livre mérite amplement d'être lu mais il faut le vouloir. C'est un "cadeau" pour toutes ces femmes, toutes ces victimes, que leurs histoires soient connues et reconnues.

Note attribuée ?
Je ne peux noter ce livre. En règle générale, il est très difficile d'évaluer un roman. Entre en ligne de compte tellement de facteurs subjectifs et de références déjà connues. Mais il est pour moi impossible de donner une note à un témoignage. Ce serait comme évaluer sur une échelle la vie d'une personne. Cela est impossible.

Je peux seulement mettre en avant que ce témoignage fait parti de l'Histoire de la Libye. Il est vrai qu'il est étrange pour une petite française sans aucun lien avec un pays du Proche ou Moyen-Orient de se pencher sur le sujet mais ce livre m'a immédiatement irrésistiblement attiré et son récit m'a touché. Nous sommes, en France pour la majorité, mal informé sur ce qu'il se passe ailleurs (et pourtant étrangement nous sommes quotidiennement abreuvé de nouvelles dont nous ne connaissons souvent jamais le dénouement). C'est notre devoir à tous de nous éduquer, connaître certains pans sordides de l'Histoire pour réfléchir, transmettre ce que nous savons à d'autres personnes et ne jamais oublier Soraya.

Cette critique a été publiée initialement sur le site hazellook, critique de livres en tous genres.
alicja
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le 20 sept. 2014

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