" Profondes joies du vin, qui ne vous a connues ? "

J'ai toujours adoré Baudelaire. J'ai toujours aimé la poésie et en particulier celle du dix-neuvième, celle des romantiques, de ceux qui veulent libérer leur âme de ses tourments au travers de l'art. Je me suis toujours profondément ancrée à leurs pensées, leur sensibilité, leurs débâcles spleenitiques. J'ai toujours (un peu trop ?) adoré le vin. Mon coloc me dit "avoir foi en mon foie" ; grand bien lui fasse.
Alors quand ce cher Charles préconise de soigner les maux par les mots et le vin, c'est comme s'il s'était fait le précurseur des pauvres gens comme moi, de ceux qui ne savent pas ce qu'ils cherchent, et qui se sentent perdus dans la masse. A cette déréliction, que répond Baudelaire ? De s'enivrer. L'un de mes poèmes préférés, dans le Spleen de Paris :


« Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
»


Évidemment, l'erreur est de croire que le poète prône l'alcool et la drogue (selon Gautier même, Baudelaire n'était pas grand consommateur, se contentant surtout d'observer ses compagnons d'infortune sous haschich) : il aspire surtout à conceptualiser le lien qu'il y peut y avoir entre l'art et les produit psychotropes. La deuxième partie m'a fait découvrir La Confession d'un mangeur d'opium anglais, de Quincey, qui lui mélange l'alcool et l'opium, soyons fous.
Moi j'adore. Non seulement parce que, subjectivement et je ne cesserai jamais de le crier, j'adore Baudelaire, j'adore ses obsessions, ses fardeaux, mais aussi parce que l’œuvre a cette modernité rare et absolument merveilleuse : plus de cent ans après sa parution, j'arrive à me reconnaître en ses mots, en ses pensées. Cette impression que ça a été écrit pour moi, pour nous, fumeurs, buveurs invétérés.
« Il y a sur la boule terrestre une foule innombrable, innomée, dont le sommeil n’endormirait pas suffisamment les souffrances. Le vin compose pour eux des chants et des poèmes. »

TPPT
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le 10 nov. 2014

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le 10 nov. 2014

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