On peut difficilement contester la puissance de l’imagination de Herbert et la précision de ses descriptions : comme dans chaque roman de la saga Dune, on est emportés dans un monde dont la création est un modèle pour tout amateur de SF. Mais je trouve que deux choses peuvent ne pas plaire aux lecteurs : le rythme de l’histoire et le traitement des personnages.


Comme dans les romans précédents, on change d'endroit et de personnages à quasiment chaque chapitre, pour éventuellement y revenir plus tard. Ce qui est assez efficace, comme si on changeait de scènes. Mais ici il devient assez difficile de recouper les nombreuses informations que nous obtenons, car certains chapitres sont très courts et d'autres sont assez longs. On peut alors se demander quelle importance accorder au chapitre que nous venons de lire. D'autant plus qu'il y a un grand nombre de personnages : j’avoue que par moments je ne savais plus qui voulait quoi.

Certains chapitres sont presque constitués uniquement de dialogues. Les dialogues ont toujours une importance particulière dans la saga Dune. Ils sont souvent accrocheurs et cimentent la complexité des intrigues. Les scènes d'action, elles, sont étonnamment rapides et généralement précédées de longs dialogues. C'est un bon procédé, cela permet en principe de surprendre. Mais ici les dialogues précédant l'action sont souvent trop longs : on peut difficilement parler de suspense précédant l'action.

Il est vrai que les scènes d'action n'ont jamais été un élément très important de la saga Dune. Dans Dune, le combat est surtout psychologique et philosophique. Lire un passage dans lequel un personnage démonte littéralement l'esprit d'un autre est plus impressionnant qu'une scène de combat physique. Mais j'ai été assez déçu concernant les joutes verbales du personnage principal, Leto II, qui ne m'ont pas autant impressionné que celles de sa grand-mère Jessica dans le premier Dune.


Bien que le titre du roman soit " Les enfants de Dune ", celui-ci est centré autour de Leto II, l'un des deux enfants de Paul (le personnage central des deux précédents romans). Quand on connaît la suite de la saga (" L'empereur-dieu de Dune ") c'est on ne peut plus logique : Leto II va, non pas remplacer son père, mais le surpasser.

Ce qui ne justifie pas tout à fait le fait que la sœur jumelle de Leto II, Ghanima, soit si peu mise en avant, alors qu'elle possède au départ un potentiel assez proche de celui de son frère. Cela peut surprendre les lecteurs des deux romans précédents, qui ont vu que dans Dune les femmes sont le vrai centre du pouvoir politique et des pouvoirs surhumains.

On peut également se demander pourquoi des personnages très forts issus des deux romans précédents sont si peu présents. Et pourquoi certains personnages secondaires nouveaux et intéressants ne sont pas très développés. Comme si la surhumanité en croissance de Leto II écrasait progressivement tous les autres personnages. Par contre, des personnage très particuliers font leur apparition et sont un moteur efficace de l'histoire : les esprits des ancêtres, qui prennent possession des esprits des enfants de Paul ainsi que de celui de leur tante Alia.

Avec cette mise au premier plan du personnage de Leto II, on peut avoir l'impression que les personnages sont des pièces d'un immense jeu d'échecs. Ce qui n'est pas très surprenant dans un Dune. Mais de manière générale les personnages sont traités comme s'ils avaient peu, voire pas, d'émotions, comme s'ils étaient sans importance. Comme si Herbert n'avait pas d'empathie pour eux. Ou bien se trouvait submergé par leur nombre. A tel point que les passages dans lesquels des personnages importants meurent apparaissent comme expédiés…


" Les enfants de Dune " est bien sûr un bon roman de SF, et un roman indispensable pour bâtir la suite de la saga. Mais il aurait gagné à être plus court. Tout lecteur de la saga Dune est habitué à lire des pavés, mais quand, à mi-parcours du roman, on a à peu près compris où va mener l'intrigue principale, on se demande s'il était bien nécessaire de faire aussi long.

PaulDenton
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le 26 avr. 2024

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