Ce Tour du Monde se lit d'une traite mais son intérêt actuel est surtout dû au contexte sociologique et technologique des années 1870. D’abord publiée sous la forme de feuilleton dans Le Temps en 1872, l’histoire devient rapidement un immense succès populaire, à tel point que des paris s’engagent entre lecteurs sur l’issue des aventures (curieux parallèle avec les bookmakers anglais du livre d’ailleurs) ! Phileas Fogg provoqua même des émules avec de nombreux candidats qui tentèrent l’exploit des 80 jours.
A l’aune de ce contexte, le roman devient savoureux et très divertissant : Jules Verne brosse des images d'Epinal sur les contrées lointaines, quand ce ne sont pas des portraits sans demi-mesure qui n’ont pas manqué de ravir le lectorat français (l’Anglais flegmatique, le peuple américain fanatique et excentrique, ou encore les Hindous brûlant leurs veuves avec le défunt). Les rebondissements improbables sont dignes des studios hoolywoodiens actuels (avec le traditionnel « cliffhanger » à chaque fin de chapitre) et les revers de fortune de Phileas Fogg ont du causer apoplexies et exaltation parmis les lecteurs du Temps. S’ajoute bien sur à cela, un essor technologique sans précédent, avec le train et les steamers « grande vitesse » qui commençaient à parcourir le monde et à proposer au simple voyageur des trajets inimaginables quelques années auparavant… Difficile de d’extasier aujourd’hui sur une traversée de l’Atlantique en 9 jours, mais c’est pourtant ce qui a fasciné les foules dans les années 1870 !
Le Tour du Monde en 80 Jours n’est pas un chef d’œuvre d’écriture ou de narration, mais se lit avec amusement, peut-être aussi avec un regard tendre sur une époque où on s’enthousiasmait encore pour des exploits devenus banals aujourd’hui…