La personne qui m'a recommandé ce livre a toute ma confiance en fantasy. J'étais donc impatient de lire ce premier tome de la trilogie de la tour de garde. Je l'ai été encore plus quand j'ai compris que les éditions des forges de vulcain avait proposé en fait une double trilogie, se déroulant dans le même univers : une par Claire Duvivier se concentrant sur la cité du Nord, et l'autre par Guillaume Chamanadjian (celle qui nous intéresse ici) sur la cité du Sud.
Je trouve ce concept très intéressant, même si je ne sais pas dans quels mesures les 2 univers vont se rejoindre ou se répondre (car j'espère qu'on ira un peu plus loin qu'une simple évocation de l'autre univers au détour de quelques pages).
Pour en revenir à ce premier tome de la cité du Sud, on peut dire que c'est réussi, surtout pour un premier roman. L'univers est intéressant :une cité millénaire, gouvernée par un conglomérat de duché qui se partage les quartiers, chaque Duc guidant sa maison dans ce panier de crabe politique. L'histoire commence justement par un conflit entre 2 Duc et leur maison. Servaint, Duc de la Caouarte (maison de la Tortue) part à l'assaut de la maison du Dauphin où sa sœur est captive. Après un bain de sang et l'anéantissement de la maison du Dauphin, Servaint tombe sur un cachot souterrain. Il se fait alors attaquer par 2 êtres faméliques et affamés. Il choisit finalement de ne pas tuer ces 2 êtres mais des les adopter et de les élever. Voilà pour le prologue.
Ce prologue fait suite à une petite carte de la cité (peu détaillé et donc peu utile à part pour nous faire prendre conscience de la taille gigantesque de la cité), puis ensuite un Dramatis Personae, petit index des principaux personnages qui vont défiler (et au vu du nombre de maisons et de personnages, cet index est le bienvenu).
Nous allons donc suivre Nohamox, dit Nox, le narrateur qui est aussi l'un de ses 2 enfants recueillis par le Duc. Les années ont passé, et il est à présent commis d'épicier, sorte de coursier, connaissant les rues de la ville comme le fond de sa poche. C'est la principale force de ce 1er roman : les descriptions de la ville sont superbes, on se retrouve plonger dans l'atmosphère de cette cité grouillante. La cité se montre telle qu'elle est : un (sinon le) personnage principal de cette trilogie. En plus de la cité, les familles ducales sont les autres personnages principaux. Et c'est justement suite à l’agression d'un membre d'une famille de Duc par l'autre enfant receuilli, Daphné, la sœur de Nox, qu'il va se retrouver au milieu d'un nœud politique, qui va l'amener à côtoyer bien des puissants, et surtout à obtenir un recueil de poème sortant de l'ordinaire, qui retrace l'histoire de la Cité de manière originale et qui fait bizarrement écho à l'histoire personnelle de Nox et sa sœur. Car dans l'univers de la cité du Sud, en plus des histoires politiques de duché ; les poèmes tiennent une place prépondérante. Tout comme le jeu de plateau « la tour de garde » (qui donne son nom à la double trilogie), sorte d'échecs auxquels jouent la plupart des personnages.
L'histoire se constitue en 10 gros chapitres, dont le découpage m'a paru un peu artificiel (je ne voyais pas tellement la raison de faire des chapitres, à part me faciliter la pose de mon marque page!). Tout comme le découpage en chapitre me semble un peu forcé, le découpage en trilogie semble également pragmatique. On a plutôt affaire à un gros roman découper en 3 pour des raisons éditoriales. En effet, ce premier tome est une très bonne introduction à l'univers, avec une exposition de nombreux personnages, un soupçon de fantastique montrant qu'il se cache encore bien des choses derrière le rideau, et des questions à n'en plus finir... mais bien peu de réponse.
J'ai ressenti parfois un petit manque de complexité, les personnages ayant pour l'instant peu de profondeur à l'exception de quelques uns d'entre eux. Mais l'écriture est maîtrisé, on sent que les énigmes qui nous sont révélées ne le sont pas pour rien, et que chacune aura sa place à jouer dans le récit plus tard. De même le recours au fantastique est très parcimonieux, et ne tombe pas dans le Deus ex machina (même si il permet parfois quelques facilités scénaristiques).
Ce premier tome de la trilogie de la cité du Sud, 2nd roman de la double trilogie publiée, est donc une formidable porte d'entrée dans cette univers, où la cité se déploie à travers le yeux de Nox.
Promesse d'un univers passionnant et foisonnant, espoir de le voir se mêler à une autre trilogie (dont la critique semble laisser deviner que cela sera autant sinon mieux réussi), ce Sang de la cité mérite le coup d'oeil. Comme toujours, difficile de noter une pièce du puzzle avant d'avoir l'image d'ensemble en entier. Mais mon imaginaire a été titillé et stimulé à plein régime. Et c'est ce que je demande à un roman de fantasy. Je lui accorde donc une relativement bonne note, mais qui pourrait dégonfler si la promesse n'est pas tenue à la lecture des tomes suivant.