Le modeste employé de banque Rémi Pottier se trouve dans le dur. Rabroué par un supérieur infect à son travail, sa vie sentimentale se délite subitement après que sa compagne Charlotte lui ait reproché de "pas être un vrai mec”.

Ne parvenant pas à répondre favorablement à une double injonction contradictoire ; celle très moderne d’être un homme déconstruit empathique, compatissant, et de fait un brin effacé, et à la fois celle plus ancienne d’être un vrai mec viril & “qui porte la culotte”, Rémi tombe en dépression. Il n’en sortira qu’en bouleversant son style de vie et sa façon de penser.

En bon enfant de la classe moyenne, représentant de la génération X (voir Y), parfois trop jeune pour avoir connu le service militaire, et plus souvent biberonnée au Club Dorothée qu’aux films de Jean-Pierre Melville. Rémi se prend en pleine poire une époque dont il est la cible privilégiée. Les féministes triomphantes depuis le mouvement metoo visent tant les brutes viriles à l’ancienne, que les hommes-enfants responsables de la charge mentale, trop faibles pour contenter - ou célébrer - les Reines qui sommeillent en chaque femme (deux clans à la vision obtuses, schématiques & irréconciliables qui sont d’ailleurs renvoyés dos à dos dans des scènes irrésistibles).

Devant ce choix impossible, Rémi va opérer une rupture dans sa vie et se chercher des modèles d’une autre époque, où l’homme et ses défauts, loin d’être pointés du doigt, étaient célébrés. Les Lino Ventura, Gabin et Delon qui ont inscrit sur pellicules un comportement macho et insensible aux considérations banales de la vie de couple, se caractérisaient aussi - en apparence du moins - par l’adhésion à un véritable code d’honneur, où la parole donnée était sacrée et le respect constant. Une société d’avant révérée par le pauvre Rémi, assoiffé d’authenticité.

Et ce second livre de Fabrice Châtelain n’est donc pas qu’une charge amusante sur une éventuelle guerre des sexes. Trop conscient du ridicule d’une telle situation, il n’y prend pour ainsi dire pas parti, laisse les idiots s’étriper et s’intéresse davantage à un micro conflit générationnel. Une dispute dont le moteur serait la nostalgie, qui pousse une poignée de personnages désemparés par la modernité et son capitalisme sans limite (la scène de love inclusive), à se réfugier dans une époque fantasmée où les relations semblaient plus simples et honnêtes.

La découverte du film “La belle équipe” de Duvivier peut avoir un effet déprimant sur le sujet qui tendrait l’oreille trop souvent aux conversations prononcées dans un MacDonald, ou qui assisterait à une embrouille de couple en pleine rue (une formidable scène du livre, d’un réalisme absolu et très rare dans les romans Français, un sommet d’humour cringe comme on dit de nos jours).

Refusant de vivre dans une société incivile, il évolue à contre-courant selon son propre code d’honneur et fonde ainsi avec son ami Paulo (lui aussi très limité dans son genre) et Michel un étrange troisième larron, le club des Mâles disparus qui ne jure par le silence parfois rompu par une poignée de mots d’argot, aux imperméables, aux troquets à l’ancienne...

Ce changement vie va l’amener à faire des rencontres délirantes que je ne déflorerai pas.

Mais tout le monde prend sa cartouche. La seconde moitié du roman monte donc encore en gamme pour s’achever en une sorte d’apothéose anti Hollywoodienne (entre L’Etranger de Camus et... le final de Seinfeld, oui !).

“Le mâle du siècle” déborde d’idées, de styles différents (le chapitre de Charlotte !) et de passages hilarants. Fabrice Châtelain tente, et concrétise encore plus de choses que dans son pourtant très réussi premier livre "En haut de l’affiche".

Un roman d’une efficacité folle qui vous fera forcément arracher quelques rires.

Negreanu
8
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le 11 févr. 2024

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