Ce livre est tellement riche qu'il donne le vertige... Les pensées jetées sur le papier d'un petit aide-comptable "Bernardo Soares" vivant dans la "Baixa" de Lisbonne. Il faut s'accrocher pour embrasser toute la pensée de l'auteur, souvent on ne fait que l’effleurer, hélas... car la limite est que nous ne sommes pas lui et que sa maîtrise de la phrase, de la tournure, du mot juste et les multiples références plus que philosophiques nous dépassent. Intranquille, oui en effet, la traduction de "desassossego" rend difficilement justice au foisonnement des sentiments ou des sensations livrés dans ce dense journal - . Fernando Pessoa (Lisboa, 1888-1935) pose un regard sans concession sur son Moi et sur le monde quotidien qui l'entoure. Il parle de sa petite vie (celle de Soares...dit-il) qui n'est autre que le miroir désabusé de la VIE, de la notre. Le moindre détail dans le quotidien du narrateur est à lui seul un monde gigantesque. Une rue, une lumière, une physionomie. On ressent Lisbonne tant les évocations sont sublimes (la couleur d'un ciel, la géographie d'un quartier). Pessoa/Soares lit le monde dans la forme d'un nuage, le bruit d'un tram, le contour d'un visage. Ce livre est un condensé de pessimisme exaltant, une lucidité sur le sens des choses ou le non-sens de toute chose - poétique, philosophique, ésotérique même parfois mystique: les adjectifs manquent pour qualifier ce "faux" journal intime. Une forme de masochisme assumé. Certainement l'une des œuvres majeures de la littérature mondiale et si mal connue finalement. Neuf étoiles car je le lis en portugais et c'est grandement plus fort, aussi bonne et assez juste soit cette traduction qui n'a pas dû être une partie de plaisir à faire.
Aucun évènement dans la vie de Bernardo Soares qui affirme rêver sa vie au lieu de la vivre: j'en doute fort car le voyage mental est si poussé que quasiment chaque phrase est à elle seule un pan entier d'humanité et de littérature. Finalement c'est de "trop" vivre que souffre Pessoa, il ressent "trop", sa clairvoyance est à la fois la source de son génie et sa malédiction existentielle.
NOTE: 10/10 en langue portugaise.

nate6691
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 sept. 2016

Critique lue 1.6K fois

4 j'aime

nate6691

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

4

D'autres avis sur Le Livre de l'intranquillité

Le Livre de l'intranquillité
Diothyme
8

Frag[île]ment

Je ne sais si j'ai aimé ou détesté Pessoa. Je reprends donc le clavier pour essayer d'y voir un peu plus clair. Je n'ai rien à lui reprocher, ni sur le fond, ni sur la forme. C'est un écrivain de...

le 30 déc. 2015

46 j'aime

19

Le Livre de l'intranquillité
DuarteLaurent
10

Critique de Le Livre de l'intranquillité par DuarteLaurent

Si l'on cherche un condensé de l'innovation et du génie littéraire il faut chercher du côté de Fernando Pessoa et en particulier du Livre de l'intraquillité. Dans son titre même Fernando Pessoa casse...

le 15 oct. 2010

39 j'aime

7

Le Livre de l'intranquillité
Sisyphe
10

Critique de Le Livre de l'intranquillité par Sisyphe

« Savoir que sera mauvaise l'œuvre que nous ne réaliserons jamais. Plus mauvaise encore, malgré tout, serait celle que nous ne réaliserions jamais. Celle que nous réalisons a au moins le mérite...

le 11 nov. 2010

16 j'aime

1

Du même critique

The Dreaming
nate6691
9

Rêve

Voici sans aucun doute l'album de Kate Bush le plus riche et le plus original de sa carrière: arrangements, textes, voix et ambiances sont surprenants. Un disque qui en devient intemporel, 1982 ? qui...

le 2 avr. 2015

16 j'aime

Scary Monsters… and Super Creeps
nate6691
10

Tu retourneras à la poussière

Cela fait plusieurs jours que je tourne autour de mon ordinateur à savoir quoi écrire au sujet de la mort de David BOWIE. Même taper ce p... de terme mort sur le clavier est en soit une souffrance...

le 14 janv. 2016

16 j'aime

4

Birdy
nate6691
8

Fait comme l'oiseau...

J'ai vu BIRDY à sa sortie et il m'a obsédé si longtemps que je l'ai revu plusieurs fois pendant son exploitation ciné. A 18 ans on est impressionnable, non? Aujourd'hui un peu moins mais il y a...

le 22 janv. 2015

13 j'aime

1