Depuis Comme Dieu le veut et surtout La fête du siècle, ses lecteurs le savent, Niccolò Ammaniti a la plume allègrement féroce pour décrire le monde moderne dans toute son absurdité, quitte à instiller dans ses livres quelques gouttes de provocation. Un peu à la manière d'un Ruben Östlund, au cinéma, et tant pis si les estomacs délicats digèrent mal son sens de la satire un brin corrosive. De ce point de vue, La vie intime marque un certain assagissement de l'auteur romain, mais son roman n'en reste pas moins délectable, riche en péripéties qui relèvent du tragi-comique. Le récit s'étend sur un peu moins d'une semaine, autour de la vie de l'épouse du président du Conseil italien, par ailleurs ancien mannequin et élue quelque temps plus tôt "la femme la plus belle du monde." Mais la susdite, prénommée Maria Cristina, a bien conscience qu'elle n'est qu'une femme-trophée, qui a pour principal office d'être splendide et de se taire. La vie intime est l'histoire d'un éveil et d'une quête, au départ peu clairs pour notre héroïne, le temps qu'elle ait le courage de se libérer de cet environnement anesthésiant. Tout en ne la quittant pas d'une semelle, ou plutôt d'un talon haut, Ammaniti radiographie avec son acuité habituelle notre société obsédée par l'image et soumise à l'arbitraire des réseaux sociaux. Le romancier, qui s'amuse en quelques apartés avec le lecteur, ne fait pas de cadeau à Maria Cristina, quelque peu paranoïaque, futile et vaniteuse, mais lui accorde des circonstances atténuantes, eu égard à son passé marqué par des deuils successifs. Insensiblement, il en fait un être certes perfectible et soumis qui va enfin, peut-être, cesser de jouer un rôle de potiche ou de ravissante idiote, si l'on préfère. Cette tendresse pour son personnage principal, qu'il met à nu progressivement, compte autant dans le plaisir pris au livre que son talent d'observateur caustique de nos mœurs contemporaines, le tout dans un impeccable style très visuel qui a valu à plusieurs de ses romans d'être adaptés à l'écran (L'été où j'ai grandi, Como Dio comanda, Moi et toi).

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2024

Créée

le 17 févr. 2024

Critique lue 34 fois

3 commentaires

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 34 fois

3

D'autres avis sur La Vie intime

La Vie intime
ElliottSyndrome
7

La vita non è così bella

Pas si facile d'être élue "plus belle femme du monde". Maria Cristina Palma en fait tous les jours l'amère expérience. Elle, l'épouse du Président du Conseil italien, ex-mannequin à la beauté...

le 16 janv. 2024

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

74 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13