L'histoire d'une mère


Le roman autobiographique est ici davantage un roman biographique dans ce sens où Gary dresse le portrait de sa mère et ne se décrit que par le prisme de celle-ci. C'est d'ailleurs le principe de tout le livre. Et quelle mère ! Un personnage haut en couleur, héroïque, déterminé. Le roman lui est dédié.


Le regard ému et amoureux d'un fils pour sa mère...


C'est l'histoire de toutes les mères et de tous les fils et de leurs amours pour celles qui les a mis au monde. Le regard de Gary est attendrissant et nostalgique. Il dresse le portrait le plus sincère, le plus tendre et le plus amoureux qu'on puisse porter à une mère.


Le style de Gary est délicieusement nostalgique, tendre, drôle, jamais condescendant, toujours dans la dérision légère. Parfois, il est lyrique, ému, poétique et évasif. C'est l'homme, devenu mûr, à l'automne de sa vie, à l'apogée de sa gloire, qui retrouve son âme d'enfant en écrivant ce livre. Il se prend à rêver, à fantasmer son enfance et sa mère. Ce qui compte n'est pas tant la vérité de l'histoire que la déclaration d'amour indéfectible d'un homme pour la première et l'unique femme que l'on aime toute sa vie.


C'est aussi le récit d'une vie extraordinaire, celui d'une famille d'immigrés de l'est, arrivée à Nice, celui d'une mère protectrice et castratrice qui contrôle tout et fomente des projets glorieux pour son fils unique. Romain Gary aura non seulement accompli les rêves de sa mère au centuple : soldat émérite, écrivain, diplomate, mais il aura puisé sa force dans la détermination de sa mère. Un moment magnifique est lorsque cette dernière, malade, tandis que son fils est à la guerre, lui écrit des lettres chaque jour. Jamais une allusion à la maladie, toujours l'amour et l'optimisme presque naïf et tendre d'une mère envers son fils. Un jour elle décède mais elle avait écrit des lettres à l'avance qu'elle lui envoie jusqu'au bout de la guerre. La détermination, l'abnégation, de manière absolue. Le portrait de cette mère est extraordinaire, à l'image de son fils extraordinaire. L'amour maternel et filial sont si forts qu'ils en sont presque incestueux, étouffants mais si beaux, bravant jusqu'à la mort.


Mais c'est aussi le roman de la fin de l'enfance. Un jour, le cordon ombilical se coupe à jamais et nous restons alors seuls, sur la plage à regarder le crépuscule. Le roman est le récit initiatique du passage à l'âge adulte, du temps où l'enfance se termine et où le cynisme vous vieillit.



Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais.



Magnifique, un des très rares livres qui m'a fait pleurer.

Créée

le 3 oct. 2013

Modifiée

le 3 oct. 2013

Critique lue 1.4K fois

11 j'aime

3 commentaires

Tom_Ab

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

11
3

D'autres avis sur La Promesse de l'aube

La Promesse de l'aube
EricDebarnot
10

A ma maman

Je ne serais pas qui je suis sans ma mère. Elle m'a porté à bout de bras pendant les 15 premières années de ma vie, dressée contre l'univers tout entier qui ne me voulait guère de bien. Contre mon...

le 15 avr. 2018

85 j'aime

33

La Promesse de l'aube
Vincent-Ruozzi
9

Mon fils, ma bataille

Romain Gary est un pilier de la littérature française. Il est le seul écrivain à avoir obtenu le Goncourt à deux reprises grâce à un astucieux subterfuge, l’utilisation de pseudonymes. Il obtient le...

le 27 août 2016

72 j'aime

8

La Promesse de l'aube
Black_Key
10

Lettres en jets

Aujourd'hui, maman est morte. Comme ça, sans prévenir, sans rien. C'est pas tant que ce soit choquant, après tout, on sait qu'on est tous amenés à passer sous la lame de la faucheuse un jour à...

le 14 juin 2016

43 j'aime

5

Du même critique

La Passion du Christ
Tom_Ab
8

Le temporel et le spirituel

Le film se veut réaliste. Mais pour un film sur le mysticisme, sur un personnage aussi mythique, mystérieux et divin que Jésus, il y a rapidement un problème. Le réel se heurte à l'indicible. Pour...

le 26 déc. 2013

60 j'aime

4

The Woman King
Tom_Ab
5

Les amazones priment

Le film augurait une promesse, celle de parler enfin de l’histoire africaine, pas celle rêvée du Wakanda, pas celle difficile de sa diaspora, l’histoire avec un grand H où des stars afro-américaines...

le 7 juil. 2023

50 j'aime

3

Silvio et les autres
Tom_Ab
7

Vanité des vanités

Paolo Sorrentino est influencé par deux philosophies artistiques en apparence contradictoires : la comedia dell'arte d'une part, avec des personnages clownesques, bouffons, des situations loufoques,...

le 31 oct. 2018

29 j'aime

4