Romain Gary est un pilier de la littérature française. Il est le seul écrivain à avoir obtenu le Goncourt à deux reprises grâce à un astucieux subterfuge, l’utilisation de pseudonymes. Il obtient le premier Goncourt avec Les Racines du ciel. Le second sera décerné vingt ans plus tard à La Vie devant soi, écrit sous le pseudonyme d’Emile Ajar. Engagé pendant la guerre dans les Forces aériennes françaises libres, il mènera par suite une grande carrière de diplomate et d’écrivain. Ce personnage haut en couleur, qui provoqua Clint Eastwood en duel en apprenant sa relation avec sa femme Jean Seberg, raconte dans La Promesse de l’aube sa vie passionnante en mettant l’accent sur la relation avec sa mère. De son enfance passée à Vilnius à son combat lors de la seconde guerre mondiale, en passant par son adolescence à Nice et ses études à Paris, ce livre se révèle être biens plus qu’une simple autobiographie. La Promesse de l’aube regorge de rires et de larmes, entraînant le lecteur dans ce qui se révèle être peu à peu une véritable ode à la vie.


Touchant du début à la fin, ce livre semble aussi avoir servi de psychanalyse à l’auteur. La présence suffocante de sa mère, le destin grandiose qu’elle aspire pour son fils et la compassion pour cette femme dont tous les rêves se sont soldés par des échecs et dont le bonheur semble reposé tout entier sur les épaules de son fils ont profondément marqué l’écrivain. Cette pression constante aura certes un rôle clé dans la réussite de Romain Gary, mais elle le marquera durement.


Et puis il y a ces anecdotes sur sa mère, que l’écrivain distille dans son livre avec tendresse. Des anecdotes qui font parfois éclater de rire comme cette hallucinante partie de tennis où le jeune Gary se retrouve à jouer devant le roi de Suède sur les terrains du parc impérial à Nice alors qu’il n’avait jamais tenu de raquette de sa vie. Tout commença par sa mère qui cria au scandale lorsqu’on lui demanda de payer une cotisation pour jouer, arguant que son fils serait un champion en devenir, et qui apprenant que le roi de Suède était sur l’un des courts, s’empressa d’aller le voir pour laisser cours à son indignation. Le roi donna sa chance au jeune homme en lui faisant faire quelques balles avec son entraineur personnel. Un désastre évidement. Mais, touché par ce duo étonnant, il paya la cotisation de Gary pour une année complète. Au final, celui-ci ne retourna jamais sur un terrain de tennis.


Il y a également ces anecdotes qui vous donnent la larme à l’œil. Celles qui témoignent de la puissance de l’amour qui unit ces deux êtres. La plus intense de ces anecdotes est sans aucun doute celle de la fin du livre. Ceux qui l’auront lu comprendront, pour les autres vous savez ce qui vous reste à faire ;)


Certains reprochent à l’écrivain une fausse modestie. Dévoré par la peur constante de décevoir sa mère et utilisant de nombreux qualificatifs et anecdotes pour se tourner en ridicule, Romain Gary dresse un portrait parfois peu reluisant de lui-même. Avoir un destin hors du commun place l'écrivain devant un choix cornélien. Raconter son parcours et ses nombreuses réussites sans contrepoids vous feront cataloguer de vantard. Raconter son parcours en racontant les passages de votre vie qui ne sont pas en votre faveur vous feront passer pour un faux modeste. Triste dilemme.


Cette autobiographie est l’un des livres les passionnants sur l’histoire entre une mère et son fils. Le livre est aussi une très belle déclaration d’amour à la France, certes idéalisée par la mère de l’auteur, mais qui est partie intégrante de la vie de Romain Gary.

Vincent-Ruozzi
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le 27 août 2016

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Vincent Ruozzi

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