La Mort chez Marguerite Duras est fonction de l'abyme existentiel qui nous traverse d'un bout à l'autre de notre conscience. Elle est consubstantielle au dépérissement de l’âme qui substitut notre enveloppe charnelle pour n'en laisser qu'une sensation d'effroi. Elle s'acharne à amplifier le désir humain pour mieux l’abandonner à sa vaste solitude. Elle s'incarne en un corps féminin duquel le frisson de la chaire nous laisse si extatique que l'on se prend à rêver d'un Destin Éternel. La pulsion de vie n'en demeure qu'une vague illusion car sitôt apparaît elle que la Nuit noire nous rappelle à la Raison. Fusse t'elle inéluctable nous luttons avec folie contre cet hôte encombrant, persuadés de détenir la clef de l'immortalité. Aussi en sacrifions nous au charme Sadien de la sexualité mortifère avec toute l'irresponsabilité d'un dernier effort surréaliste. La Grande Faucheuse n'en à que faire, prête à sacrifier l'existence d’êtres vivants apeurés en un geste digne et sur. L'Ombre rode, surveillant depuis son sanctuaire le moindre signe de faiblesse. Elle se repaît avec délectation des imprécations inutiles et n'est jamais aussi gargantuesque que lorsque l'odeur du souffre l’enivre. La Pitié lui est en horreur et le Pardon une profanation du Sacré. L'homme comprend alors que le dialogue fantomatique entamé avec cette resplendissante Fleur évasive n'est qu'un piètre leur, une déviation de son esprit qu'il lui faut stopper net. Tandis que la belle Egérie quitte la chambre moite réchauffé par ses courbes élancées, le Malade Imaginaire accepte son funeste sort et tombe le Masque. Fin de L'Acte, les jeux sont faits.


Conçu comme un dispositif théâtral, le très court récit de cet homme en fin de vie s'articule autour d'une discussion saccadée. Une mystérieuse femme ,dont on ne sait si elle précipite sa chute ou au contraire lui sert de répit, semble incarner son dernier espoir de survie. Nous ne savons rien de ce qui précède la rencontre. Et la distance est toujours maintenue au fil des quelques pages, bien qu'ils finissent par nous sembler de plus en plus proches. La chambre comme réceptacle d'un chassé-croisé déviant, élément important qui entretient le trouble que l'on ressent à la lecture du texte. Le style tout en ellipses de Duras est vite identifiable, et c'est sa force première. On peut ainsi faire travailler notre imaginaire et remplir les vides comme bon nous semble. La note qui accompagne l'ouvrage est signé de l'auteure elle-même, et elle laisse à penser qu'une reprise sur scène (voir au cinéma) est plus qu'envisageable. Nous en serions fort aise si un talent certain venait à s'en aviser.

Créée

le 16 juin 2016

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