La Maison
6.6
La Maison

livre de Emma Becker (2019)

Je précise que je n'ai pas acheté ce livre, je l'ai emprunté à la médiathèque.
Livre de la rentrée littéraire 2019 qui a fait le buzz (puisque son autrice a décidé de travailler pendant deux ans dans une maison close berlinoise pour l'écrire) que je ne sais comment qualifier. On peut dire qu'elle a pas froid aux yeux, la demoiselle de 25 ans, qui, de son propre aveu, est totalement obsédée par le sexe. Qui se dit plutôt que d'aller me faire exploiter chez Lidl pour 1000 euros, autant faire ce que j'aime le plus pour 5000. Logique. Pour moi la démarche est faussée d'emblée, puisqu'elle a le choix de gagner sa vie autrement (et c'est le cas : journalisme et droits d'auteur de ses précédents bouquins, bosser au Lidl n'a jamais été une option pour elle et ne le sera jamais ; de plus elle n'a pas encore de progéniture à nourrir à ce moment-là).
Le livre démarrait bien car il commence par poser de bonnes questions (même si je n'ai rien appris) mais il ne tient pas ses promesses. Le propos se dilue dans des réflexions généralistes sur ses relations sexuelles merdiques (hommes mariés, beaucoup plus vieux qu'elle). C'est trop bavard, trop long, trop de descriptions ennuyeuses et inutiles (la déco glauque, de mauvais goût : toutes les chambres de la Maison y passent... C'est bon on a compris), et finalement elle parle beaucoup des expériences de ses copines avec des clients mais assez peu des siennes... Elle s'évoque autrement. Elle, elle. Qui a du mal à écrire son lire. Qui rythme ses journées par des café-clope-pipe... Elle qui se croit au-dessus de la mêlée car elle peut partir de là quand elle veut... En tant que jeune Française, c'est une reine là-bas et personne ne lui fait la moindre réflexion. En plus Madame a tellement le cul bordé de nouilles qu'elle est tombée sur la meilleure maison close de Berlin, celle où les filles sont totalement libres, de venir, de partir, de travailler, d'accepter un client ou pas sans explications... Elle qui lit Zola entre 2 passes, elle qui se permet de ne pas venir travailler au dernier moment parce qu'elle a un livre à écrire (ou elle a trop la flemme, simplement), elle qui regarde ses collègues avec un regard lubrique de mec affamé, qui aurait voulu être un mec, mais qui est complètement blasée de tout, à commencer par le sexe puisqu'elle le pratique comme elle mangerait une pomme, y compris en dehors de ses heures de "travail" (oh et puis bon elle est crevée après 5 clients, elle se met en pyjama devant Netflix).
Certes elle interroge le désir et le plaisir féminins, masculins aussi. Bon il y a quelques passages intéressants mais l'ensemble se complaît dans la vulgarité ("chatte", "bite","cul" et "pute" à tous les étages, l'épisode du gode-ceinture où elle se retrouve avec de la merde partout sur elle...), comme pour choquer, ça sent la bourgeoise qui cherche à se faire peur (viol, SM, réseaux albanais... et si et si ?). Pour moi c'est surtout l'oeuvre (pas du tout littéraire, elle ne va pas au bout de sa démarche, c'est dommage, n'est pas Anaïs Nin qui veut...) de quelqu'un qui n'est pas à l'aise avec son genre et qui a un grand besoin de pouvoir et de contrôle, qui en use et abuse allègrement car elle se croit plus maligne que tout le monde, et franchement ça ne me l'a rendue ni sympathique ni talentueuse.

carolectrice
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le 14 juin 2020

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