Il s'appelait Luis Cisneros Vizquerra (1926-1995). Il fumait jusqu'à 9 paquets de cigarettes par jour, buvait sans beaucoup de modération et, après deux mariages, resta un séducteur invétéré jusqu'à sa mort. Ne cherchez pas son nom sur le wikipédia français, il n'y figure pas. Il fut ministre de l'intérieur du Pérou puis de la guerre dans les années 80, symbole d'une droite autoritaire, ennemi juré de la gauche. Ah oui, il était aussi ami de Kissinger, Pinochet et Videla. Né en Argentine à cause de l'exil de son père, on l'a surnommé le "Gaucho". Il se trouve que son fils, Renato, poète, journaliste et romancier est aujourd'hui célèbre à son tour, lui qui n'a connu son père que pendant 18 ans. Le livre qu'il lui consacre, La distance qui nous sépare, il le qualifie de roman d'autofiction. Mais attention, que les allergiques au genre, ce en quoi on ne peut leur donner tort, ne détournent pas la tête, c'est un ouvrage qui se lit comme un roman, comme un thriller parfois, comme une épopée historique, agencé de telle façon, entre enquête, mémoire familiale, témoignages, reconstitution et libres pensées qu'il en devient passionnant dès ses premières lignes, l'intérêt ne s'essoufflant pas grâce à la prose limpide de Cisneros. Le livre est une lutte entre les sentiments d'un fils et l'exigence d'un écrivain, un acte de courage et d'honnêteté incontestable. Renato Cisneros a toujours été fasciné par ce père dont l'autorité domestique ne se relâchait jamais. Mais cet homme de conviction a aussi été un militaire intransigeant, brutal dans ses déclarations et ses actes. Notamment face aux exactions terroristes du Sentier lumineux mais aussi dans sa collaboration avec des dictatures à peine plus "molles" que celles d'Argentine ou du Chili. Controversé, attaqué de partout, il est pourtant défendu par un fils qui n'a pas été vraiment aimé, encore que, mais qui reste obsédé par ce père qu'il n'aura pas vu vieillir et avec lequel il n'aura jamais pu discuter d'homme à homme. Ce dialogue interrompu, il a tenté de le prolonger dans La distance qui nous sépare, véritable livre cathartique comme on n'en rencontre rarement de cette force et de cette intelligence. La distance qui nous sépare est un grand roman vrai et imaginaire, virtuose et humble à la fois.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes Livres de 2017

Créée

le 9 oct. 2017

Critique lue 229 fois

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 229 fois

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

74 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13