... Ben oui, parce que c'est quand même un sacré timbré oncle Tom. Expliquons-nous un instant : ce livre est un ouvrage important du 19e siècle qui a beaucoup fait pencher l'opinion en faveur de l'abolition de l'esclavage. Lincoln lui-même aurait dit à l'auteur que ce livre avait permis de commencer la guerre de Sécession en embrasant les consciences.


Ce livre est très bien écrit, et Harriet Beecher-Stove nous prend par la main pour nous faire découvrir les différentes conditions des esclaves du Kentucky, l'état esclavagiste par excellence d'alors. On y croise beaucoup de personnages hauts en couleurs, qu'il s'agisse de propriétaires bien intentionnés luttant avec leur propre condition de maître sans pour autant parvenir à prendre la décision d'affranchir leurs esclaves, de maîtres "standards" se servant des forces de travail de leurs esclaves pour faire du profit sans égard particulier pour leurs esclaves, ou encore de fumiers finis particulièrement friands d'une bonne torture ou de l'humiliation ultime. On y trouve aussi, chez les esclaves, des résignés, des révoltés, des tyrans, de saints hommes, des paumés... Il y en a un peu pour tous les goûts... Pour peu qu'on soit à DONF dans l'adoration du grand barbu (passez-moi l'expression réductrice).


Car oui, à l'époque bien sûr la religion jouait un rôle immense quand à l'idée des bonnes mœurs que se faisait la population. En conséquence l'auteur, elle-même issue d'une éducation chrétienne stricte et mariée à un pasteur, tartine tout le long du livre des litres de morale chrétienne, au service de l'abolition de l'esclavage. Si bien que pour ma part, cette démonstration "Dieu dit qu'on doit la dignité et la liberté à toute âme; les noirs ont quand même une âme on dirait; en conséquence Dieu veut que les noirs aillent librement" m’écœure un peu. Car bien sûr, même sans être chrétien on peut tirer des enseignements de la Bible, comme par exemple le fait de tendre la joue gauche, ou de ne pas faire à son prochain ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse, etc. Mais je trouve un peu juste que seule l'intervention de la parole divine vienne questionner les consciences, et qu'on tire cette conclusion (l'esclavage est immoral) d'une soustraction de paroles bibliques plutôt que d'un examen sensible, sinon de la morale, en tous cas de l'injustice de cette situation.


Il peut être difficile de comprendre mon point de vue si je ne vais pas un peu plus loin : tout cela passerait sans problèmes, compte tenu de l'époque, si la figure de l'oncle Tom était un peu plus humaine : on parle ici en réalité d'un Saint, dont les actes questionnent immensément la crédibilité du personnage. L'oncle Tom est si confiant dans le Royaume des Cieux, si plein d'amour pour ses bourreaux, et si dévoué à son Dieu, qu'il en devient presque inhumain. Certes, cela montre que des illuminés, il y en a de toutes les couleurs, si je puis dire, et donc qu'un blanc n'est pas plus touché par la grâce qu'un noir, mais un peu plus de révolte, un peu plus de colère (attribués d'ailleurs à un autre personnage) auraient été justifiés pour ce personnage. En tous cas davantage d'indignation, et moins de sagesse pratiquement inconcevable.


Il n'en reste pas moins que c'est un livre touchant, parfois un peu dur, souvent très tendre, bien écrit, et avec du rythme. J'ai passé un excellent moment à le lire et je le conseillerais à ceux qui hurlent au "racisme anti blancs" à tout bout de champ : se rappeler que nous vivons dans une société dont l'histoire est marquée par la suprématie blanche et les incroyables injustices exercées à l'encontre d'hommes qui présentent quelques pigments de peau différents permet toujours un peu mieux de comprendre que se faire appeler "babtou" dans la rue ne fait pas de nous des victimes opprimées. Parce que j'entends cette connerie de plus en plus autour de moi et que j'ai quelques veines qui sautent à force d'écarquiller les yeux.
Malgré cette plâtrée de religion donc, pas si indigeste que ça pour peu qu'on prenne un peu de recul, je recommande donc ce livre assez épatant, écrit par une femme qui a quand même pas mal changé la donne.

Hexode
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le 21 janv. 2016

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Hexode

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