L'Homme nu
7.1
L'Homme nu

livre de Dan Simmons ()

Première rencontre pour ma part avec ce grand nom de la littérature fantastique moderne.
Première admiration !

D’emblée Dan Simmons affirme une sensibilité tout en nuance qui parvient à poindre au travers d’une traduction qui manque malheureusement de finesse (mon anglais est trop mauvais pour m’autoriser une lecture en vo) : l’ouverture de « L’homme nu» est magnifique, pleine de douceur, de joie teintée d’une immense tristesse, élégiaque.

On commence avec l’amour, le désespoir, la douleur, la mélancolie et sa consubstantielle contemplation.

Contemplation propice à la pose de ce paysage étonnant que constitue le monde diffusé au travers du dioptre télépathique de Bremen notre mathématicien de héros.

Sous l’impulsion d’un deuil le roman s’attachera à décrire la lente dérive du télépathe précipité par des contingences d’une violence caricaturale sur la houle hasardeuse de la neuro-rumeur : bruissement cacophonique constitué des pensées humaines…

Soit un écorché vif percolant au travers des filtres qui séparent les classes sociales, un écorché rebondissant inespérément sur les âmes ébréchées qui jalonnent sa passive dégringolade.

Une dynamique incertaine et l’occasion de dépeindre une humanité aux vices boursoufflés, aux qualités magnifiées : illustration ténébriste, parfois carrément gore, mais délivrée de manichéisme.

On se retrouve au final avec un récit non linéaire assimilable à un road trip psychédélique émaillé de visions, le tour de force de l’auteur étant de parvenir à maintenir une unité dans son récit qui menace à chaque instant de virer à l’embrouillamini.

Il ne faudrait pas non plus renier l’aspect métaphysique que Simmons argumente avec bcp de classe!

Une grande partie du roman est en effet occupée par le rapport des recherches de Bremen à propos de l’origine de sa télépathie, recherches qui le conduisent à s’interroger sur la nature de la conscience.

Les méditations de Bremen, tantôt confuses, tantôt limpides, le processus de la création et l’émergence d’une théorie scientifique sont brossés avec suffisamment de détails pour bluffer les ignorants de mon acabit et cela permet par ailleurs des élucubrations foncièrement charmantes !

On touche à l’idéalisme radical façon Berkeley, on déborde immodérément sur une thèse humaniste qui fait de la conscience humaine la condition nécessaire à l’existence du Tout où le regard devient un instrument de conversion chaos/ordre, instrument qui suscite l’effondrement d’un immense champ de probabilité et finalement sa recombinaison en une interprétation concrète. Euh… Bref, Simmons développe sa théorie (qui doit certainement figurer dans les arcanes de la quantique) avec une maestria délicieuse et, en somme, j’ai juste adoré me laisser captiver par ce livre que je relirai certainement.

En prenant plus de temps toutefois…C’est frustrant de manquer de temps pour lire un livre qui invite à la contemplation ! Un livre qui donne envie de se renseigner sur foultitude de choses... dans plein de domaines. (Par exemple l’auteur semble désigner un parallèle entre son livre et « la divine comédie » mais ça moi je connais pas…)

En dernier mot : « l’homme nu » c’est dense, dense et pourtant très accessible et très beau aussi. C’est un roman de détente, à la narration très vivante (pour le coup je comparerais volontier cette imagination magnétique à celle de Brussolo) qui vous flanque un peu d’espoir dans les boyaux et vous invite à la réflexion...

A recommander !
Luxien
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Créée

le 4 déc. 2014

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Luxien

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