Je pense que je tiens là le pire livre que j'ai jamais lu.
C'est difficile d'évaluer le degré de nasitude d'un roman. J'en ai lu finalement assez peu mais j'ai déjà lu plus mal écris et plus insultant, j'ai notamment lu la semaine dernière un Foenkinos assez affligeant de bêtise. Et pourtant le Voyage du fakir doit bien être le pire, ou du moins un très sérieux candidat au titre.
La bêtise est là aussi le mot clé de l'affaire. L'humour dans ce roman est bête, très très bête, gamin, appuyé, lourd et artificiel. L'argument initial est dès le départ sans queue ni tête, d'un bon gros n'importe quoi idiot et déjà exaspérant. Il nous est demandé d'admettre qu'un fakir indien sans le sous puisse obtenir un passeport pour l'Europe, que la France soit la destination la plus abordable depuis l'Inde et qu'Ikéa produise des lits à clous (nommés Kisifrötsipik, que c'est cocasse). Tout ça pour nous catapulter dans une histoire dont on a rien à foutre, avec des péripéties tirées par les cheveux et des blagues lourdingues qui se moquent niaisement des noms indiens à rallonge.
Le loufoque, le cocasse, le déjanté, cachent une misère omniprésente. Absolument chaque idée de rebondissement de ce roman pourrait provenir d'une rédaction de collégien. Romain Puértolas a seulement l'avantage d'en avoir mis plein à la suite de façon plus ou moins cohérente. Ainsi on se retrouve avec une succession de situations ridicules, de personnages exotiques clichés et de blagues toujours plus indigentes. Oui, mais il y aussi le personnage de notre fakir qui évolue et se voit confronté tantôt à la dureté du monde actuel, tantôt à la douceur que peut parfois offrir la vie.
Parce qu'au delà de l'humour ras des pâquerettes, des très nombreuses facilités de scénario, des raccourcis clichés et bien arrangeants un peu partout (il n'y a donc jamais de problème de langue, notre héros indien a une mentalité occidentale parfaitement lisse, on donne des avances de 100 000 euros à n'importe quel romancier novice dont on a apprécié une pauvre nouvelle) et bien il y a aussi de l'émotion, et oui !
On sort les violons pour une histoire d'amour et lorsque de hautes valeurs morales germent dans l'esprit de l'indien, mais surtout on s'attaque au sujet des immigrants clandestins. On cale deux trois faits, deux trois chiffres par-ci par-là, on dit à quel point c'est triste et à quel point les passeurs sont des salauds, pour repartir juste après sur des clichés culturels tellement poussifs et plein d'amalgames qu'ils en sont carrément racistes. C'est bien sûr là où le roman devient complètement détestable.
Il ne développe pour autant aucun point de vue sur le sujet, mais on n'a tout simplement pas envie de voir accolé des événements aussi graves à une aventure aussi gamine remplie d'exotisme à la mord-moi-le-noeud.
Pour toutes ces raisons j'ai trouvé L'Extraordinaire voyage des plus irritants, c'est le degré zéro de l'humour. Pourtant c'est toujours relativement bienveillant je suppose, dans de bonnes dispositions j'aurais peut-être pu trouver ça naïf, mais je n'arrive pas à voir tout ça comme autre chose qu'une insulte permanente à l'intelligence du lecteur.