Depuis 2022 Omaké Books édite une collection bien justement nommée « les archives visuelles de la pop culture ». Les bouquins font du 27x20 cm, donc ce n’est pas du grand livre d’art, mais c’est bien suffisant.

Les albums rassemblent plusieurs illustrations, photographies ou affiches de grands sujets de la culture populaire mais aussi d'autres plus surprenants, avec aussi bien des volumes consacrés aux affiches de monstres japonais ou aux western, aux celluloids du cinéma d’animation ainsi aux publicités de jouets retro (critiqué ici par l’ami Freddy K) ou de jeux video Amstrad. Un pot-pourri culturel qui est à l’image de l’éclectisme de la maison d’édition, la lecture de sa revue Retro Lazer étant d’ailleurs vivement conseillée (ils ont parlé de L’Escadron Suprême donc ce sont des gens biens).

Pour en revenir au sujet, ce que ne dit pas le titre « L’avènement des super-héros » sur la couverture est explicité sur la page de garde avec le sous-titre « 1939-1999 : 60 ans d’affiches de films ». Il y sera ainsi question de 60 ans de présence de sur-hommes dans les salles obscures dans ses 60 premières années de présence.

Il n’échappera à personne que ces dernières années ont vu les super-héros omniprésents sur les écrans mais aussi les conversations, dont les sorties sont passées au crible pour être commentées. La figure mythologique du héros extraordinaire n’a jamais été aussi présente et pourtant il a fallu bien des tentatives pour en arriver jusque là, entre essais fauchés et productions ambitieuses, petits succès en leur temps ou échecs bien vite oubliés.

John Prate englobe d’ailleurs le terme de « super-héros » sans grandes retenues, pour évoquer des hommes avec des capacités supérieures à la normale, qu’elles soient surnaturelles, radioactives ou technologiques, aux ambitions héroïques de servir le bon côté de la morale. Quelques figures plus ambiguës sont tout de même présentes (Fantomas, Diabolik, etc.). Les héros en capes et en collants côtoient ici les tokutasku japonais (Ultraman, X-Or, Bioman, etc.) mais aussi les catcheurs mexicains (coucou Santo) ou les productions italiennes ou turques plus ou moins fauchées (Danger Diabolik!), plus ou moins fâchées avec les droits d’auteurs notamment dans leurs adaptions chez nous (Superargo rebaptisé Superman, 3 Dev Adam avec les versions turques de Santo, Superman et Captain America, etc.). On y trouve aussi quelques créations ou co-productions françaises, comme Judex, Fantomas, Barbarella, Mister Freedom ou Dr Justice. Un éventail large et cosmopolite qui renouvelle les propositions, quitte à mélanger beaucoup de figures ensemble sous cette dénomination fourre-tout de « super-héros ».

La sélection n’oublie pas les incontournables attendus mais propose aussi des films plus obscurs, avec une évidente envie de faire partager les plus belles découvertes. Chaque partie est introduite par quelques pages de présentation, tandis que chaque film ou ensemble de titres est accompagné d’une petite notice qui ajoute quelques informations mais aussi un petit commentaire de l’auteur. Les qualités sont ainsi mises en avant, mais les nanars sont reconnus à leur juste mesure, et s’il y a évidemment quelques navets dont on peut s’abstenir, l’ensemble reste bienveillant et incite à les découvrir à notre tour.

John Prate n’est pas là pour pointer du doigt et critiquer les tâcherons, et cette ouverture d’esprit est appréciable, d’autant qu’elle se double d’une culture évidente. Il semble avoir vu la majorité voire toutes les œuvres présentées, malgré l’obscurité de certaines, et prouve sans difficultés qu’il connaît son sujet.

Car il n’est pas question que de films pour le grand écran, mais aussi d’autres productions diffusées dans les cinémas. Il n’oublie pas ainsi les serials, ancêtres de nos séries télévisuelles mais diffusées dans les salles obscures dans la moitié du XXe siècle. Un pan important de la culture américaine, où les inspirations les plus bouillonnantes de la pop culture auront donné lieu à bien des séries d’aventure, de western (comme Lone Ranger), policières (Dick Tracy) et bien évidemment de super-héros alors tout jeunes. Superman, Batman ou Captain Marvel (pas celui de Marvel) nés dans les années 1930 feront leurs premiers pas sur grands écrans dans les deux décennies suivantes. Des créations sérielles souvent très populaires en leur temps mais le plus souvent inédites par chez nous.

Il y a bien eu quelques épisodes remontés pour en faire des films et c’est aussi un des axes de cet ouvrage, d’aller chercher ces créations parfois rafistolées pour le cinéma. Ce fut le cas pour quelques uns de ces serials, cela exista aussi pour des séries télévisuelles. La célèbre série L’Incroyable Hulk (1977-1982) eut ainsi son pilote diffusé au cinéma en France ainsi que « Hulk revient » en 1978 qui est un montage de deux épisodes. Green Hornet, Spider-Man et Goldorak eurent aussi droit à leurs versions cinéma depuis les épisodes de leurs séries à la même période. Des téléfilms ont aussi parfois été sortis sur grands écrans, notamment dans les pays étrangers.

Et bien sûr il y a tout le reste, le gros du troupeau, de films spécifiquement crées pour le 7e Art, aux ambitions plus ou moins ambitieuses. Batman et Superman bombent le torse, mais il ne faut pas oublier tout un pan des comics indépendants qui ont voulu leur place dans les salles obscures, Tank Girl, Spawn, The Mask (bien loin de la violence de ses comics), Mystery Men et quelques autres. Marvel a fait quelques essais, et ce n’était pas encore leur âge d’or, mais Nick Fury avec David Hasselhoff ou Punisher ont essayé, avant qu’un certain Blade tranche dans le tas. C’est aussi à l’image des studios qui ont voulu porter le « super » haut et fort, parfois bien pourvus financièrement, parfois fauchés et conscients de l’être (les films de la Troma Team) ou plus opportunistes (comme les tentatives de la Cannon).

La sélection comprend d’ailleurs aussi bien des franchises connues (ou qui l’ont été en leur temps) que des créations originales se rattachant au thème, Condorman, L’Homme Puma ou Un Drôle de flic, par exemple. La plupart sont des films d’action, mais d’autres flirtent avec l’espionnage ou le film d’arts martiaux (Spider-Man défie le dragon, oui, oui), avec même quelques créations plus horrifiques comme le Swamp Thing de Wes Craven. Quelques satires (Mister Freedom de William Klein) et même une parodie érotique (l’époustouflant Flesh Gordon de Michael Benveniste et Howard Ziehm) y trouvent leur place.

Chacune de ces entrées est illustrée par une affiche, parfois même de déclinaisons locales pour les plus connues. Parcourant toute l’histoire visuelle et cinématographique de cette deuxième moitié du XXe siècle, elles promettaient monts et merveilles aux curieux et aux fans des temps passés. Entre les affiches bien remplies des serials ou de celles des productions japonaises, aux couleurs fortes de celles italiennes jusqu’à une iconisation plus sobre des dernières années du XXe siècle, différentes modes passent, mais le pouvoir de séduction reste. Certaines de ces affiches sélectionnées sont d’ailleurs magnifiques, à l’image de celle à la composition imposante de The Goldent Bat, celle baroque de Flesh Gordon, de la grandiloquence de l’adaptation des Maîtres de l’univers ou de celle sobre et métallique du Punisher.

La composition de ces affiches ne manque ni d’intérêt ni de surprises. Selon les déclinaisons locales, des slogans surprenants peuvent apparaître (« Une dose massive rayons gamme transforme un savent en créature, mi-homme mi-bête. Mais Hulk est TON AMI ! », texto), de même que pour des choix d’adaptation qui ne passeraient plus aujourd’hui, à l’image de tous ces films rebaptisés Superman sur d’autres territoires.

Il faut aussi saluer la qualité et la diversité des affiches retenues, chaque déclinaison locale retenue étant d’ailleurs bien différente des autres. Pour certains pays lointains ou pour certaines productions anecdotiques cela n’a pas dû être facile de les retrouver. La qualité de la reproduction sur photo papier y gagne aussi, d’autant que les originaux retenus ne souffrent ni des affres du temps ni de compressions numériques. La collection « archives visuelles » porte ainsi bien son titre avec cet opus.

Il reste malheureusement quelques coquilles et même des petites erreurs, mais il n’y a rien de bien rédhibitoire. Le travail fourni est de bonne qualité, très large dans son offre, offrant à voir et à découvrir de nombreuses œuvres et affiches. Il permet ainsi de se plonger dans des décennies parfois mal connues, bien loin de la frénésie actuelle et de ses productions souvent standardisées. Le cinéma s’est accommodé des super-héros avec bien des styles, avec plus ou moins de réussite et sur de nombreux territoires. S’y plonger en compagnie de ces affiches offre un très instructif voyage dans le temps.

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le 23 févr. 2024

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