L'Ami
7.3
L'Ami

livre de Tiffany Tavernier (2021)

Ça aurait pu être un polar.
Le début, d’ailleurs, laisse de la place à l’illusion. Une intervention de police musclée, de la tension, du suspense, de la peur, une arrestation spectaculaire…


Tiffany Tavernier, soucieuse d’installer un cadre crédible à son propos, assume sans faiblesse de jouer avec les codes du genre. Les premiers chapitres sont nerveux et plongent directement dans le vif du sujet.
Une manière de bousculer le lecteur autant que le narrateur, si violemment ébranlé dans son quotidien paisible (il vit avec sa femme dans une maison isolée, avec son seul couple d’amis comme voisins), presque retiré, que toute son existence va s’en trouver fracassée, et toutes ses certitudes remises en cause.


Car c’est là le véritable sujet de L’Ami : le délitement progressif et douloureux d’un homme. Le fait divers, sordide et remarquablement utilisé par la romancière, sert de révélateur. Si la vie du protagoniste était un évier, la révélation des crimes commis par ses voisins serait l’ouverture de la bonde, entraînant dans un irrésistible mouvement en spirale toutes les eaux sales qui encrassent l’existence du personnage.


De manière brillante, Tiffany Tavernier met son récit en mouvement, passant d’un immobilisme mortifère à une fuite en avant impossible à contenir. Elle convoque tout ce qui est nécessaire à la compréhension d’un être humain : souvenirs d’enfance, doutes, convictions, aveuglement, sentiments, espoir, renoncement…


Par sa narration à la première personne, elle s’installe dans la tête de son protagoniste et en fait pivoter tous les miroirs, en quête des bons angles pour comprendre le parcours d’un homme beaucoup plus complexe et intéressant qu’il n’en a l’air de prime abord.
Ce personnage de Thierry est profondément touchant, y compris (surtout) dans ses erreurs, ses faiblesses et ses tâtonnements vers la lumière.


Contrairement à ce que le résumé pourrait laisser penser, L’Ami n’est pas un roman mortifère. C’est une quête personnelle, animée par la volonté de se remettre en place, de retrouver son axe, de donner une nouvelle chance à sa vie – et à la vie avec les autres.


Avec un sens aigu de la psychologie, et un art remarquable pour épaissir personnages et situations, Tiffany Tavernier réussit un roman captivant.
Un livre superbement écrit, parfaitement maîtrisé, à la fois nerveux et introspectif, entre récit à suspense et portrait intérieur de haute volée.

ElliottSyndrome
8
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le 7 avr. 2021

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