Humus
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Humus

livre de Gaspard Koenig ()

Ça avait pourtant bien commencé

Humus était une belle promesse. Je ne lis pas beaucoup de romans, encore moins d'auteurs masculins, mais la quatrième de couverture de Humus m'avait tout de suite séduite et le récit avait à priori tout pour me plaire, surtout que j'en avais entendu beaucoup de bien. Sujette à l’éco-anxiété depuis mon plus jeune âge, j'étais sincèrement curieuse et impatiente de découvrir le parcours de nos deux héros, Kevin et Arthur, auxquels je m’étais identifiée dans leurs préoccupations, mais hélas, quelle déception !


J’aurais pu pardonner à l’auteur de briser mes espoirs d’un monde meilleur avec son cynisme et son fatalisme qui, je dois bien l’avouer, se veut probablement réaliste, s’il n’avait pas été à côté de la plaque sur plusieurs sujets. Se penser « woke » ne suffit pas à l’être.


Déjà, les nombreuses scènes de sexe sont dans l'ensemble extrêmement gênantes. Cher Gaspard Koenig, sachez qu’on peut apprécier la nature et vouloir sauver la planète sans pour autant ressentir le besoin de copuler avec. C'est peut-être parce que j'ai de moins en moins l’habitude de lire des auteurs hommes que j’ai été aussi surprise de découvrir Kevin en train de doigter la terre et Arthur de fourrer son sexe parmi les vers, mais force est de constater que, d’après l'auteur, les hommes ressentent le besoin urgent de pénétrer tout ce qui se trouve à leur portée et à ce stade, c’est de la névrose, monsieur, il faut consulter. En tout cas, l'éco-féminisme aurait beaucoup à dire sur ce sujet.


Et pourtant, ce n’est pas ce qui m’a le plus gênée durant ma lecture. Car, si je peux encore sauter les scènes de sexe qui me dérangent, je ne peux pas passer outre l’écriture catastrophique des personnages féminins qui, à l'heure actuelle, est absolument inadmissible. Présentées comme opportunistes, manipulatrices, impulsives, sournoises, violentes, Anne et Philippine sont si méprisables que nos deux héros, quant à eux irréprochables, si purs dans leurs intentions, blanches victimes de la perfidie des femmes, préfèrent encore avoir des rapports sexuels avec le béni terreau que de recoucher avec ces méchantes filles - d’ailleurs, pourquoi ne couchent-ils pas entre eux, eux qui ont l’air si amoureux l’un de l’autre ? Quitte à créer un personnage pansexuel, autant assumer cette idée jusqu’au bout plutôt que de l’écrire juste pour la forme. Donc, par pitié, enfilez-vous et laissez les femmes en dehors de vos histoires ! La cerise sur le pompon étant probablement la fausse accusation d’harcèlement sexuel et moral à l’encontre de Kevin par Philippine pour sauver sa peau, histoire de renforcer un peu plus les clichés sur les fausses victimes de violences sexuelles. Merci, pas merci.


Nous noterons quand même la présence d’un troisième personnage féminin, plus mou mais aussi plus sympathique que les deux autres, qui accompagnera l’un de nos deux compères au bout de sa quête (pourquoi d’ailleurs ?? alors qu’elle semble, à forte raison, désapprouver complètement le projet), ce qui la mènera bien évidemment à sa perte, sacrifiée sur l’autel de la compassion exacerbée. En tout cas, on ne peut pas dire que Léa ne prend pas le suivi de ses patients au sérieux, c’est une soignante sacrément investie !


Pourtant, malgré mon franc mécontentement, je pense que tout n’est pas forcément à jeter dans ce roman, loin de là. J’ai trouvé les concepts scientifiques tournant autour des vers de terre passionnants et le développement parallèle et opposé des deux héros très intéressant, dynamique et fluide, avec des sujets d’actualité pertinents dans le pays de la Macronie tels que la soi-disant méritocratie, l'idéologie de la start up nation, les transfuges de classe, le besoin de plus en plus partagé d'échapper au système, la gentrification, le greenwashing, les écocides, l'impunité de l'État, etc, mais les maladresses d’écriture sont pour ma part trop importantes pour être ignorées.


Bref. Ce roman aurait pu être tout autre mais n’est au final qu’un véritable gâchis qui me laisse un goût amer de terre dans la bouche.

Patouchou
5
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le 15 janv. 2024

Critique lue 77 fois

2 j'aime

Patouchou

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