"La réponse aux problèmes gouvernementaux est habituellement : ne rien faire.” R. A. Heinlein_

[Science-Fiction (Space Opera, Speculative Fiction, Anticipation) | Aventure]

Vendu comme la plus grande œuvre d'Asimov, comme le premier volume du plus grand cycle de l'histoire de la SF, classique parmi les classiques, et j'en passe…

De grands éloges pour une aventure colossale prenant place dans un futur très lointain où l’espèce a colonisé quasiment chacune des planètes habitables de l’ensemble des systèmes solaires de la galaxie. Les temps passèrent au point que l'humain en vint à oublier jusqu'au nom de la planète qui lui servie jadis de berceau.

Pour maintenir une cohésion politique, judiciaire, morale et sociale, règne un empire depuis des millénaires. Tout se passe plutôt bien, les gens n'ont pas trop l’air de se plaindre et chacun suit son petit train-train quotidien.

Seulement un scientifique, expert en psychologie sociétale et en statistiques a développé une nouvelle discipline appelée la « psychohistoire ». Grâce à des calculs savant basés sur des courants sociaux et des études psychologiques réalisées en observant la populace, ce scientifique, Hari Seldon, parvient à calculer avec plus ou moins de précision, la chute inéluctable de l'empire. Évènement duquel doit découler l’avènement de 30 000 ans de barbarie et d'anarchisme avant que l’espèce puisse retrouver un niveau scientifique aussi avancé que celui de l'empire (en gros ils sont au top niveau, mais une voyante leur dit que ça va se dégrader et que des punks-vikings-royalistes de l'espace vont tout casser et créer un grand reich de 30 000 ans). Mais, tenant compte de tous ses calculs, Seldon affirme pouvoir raccourcir cette période pour ramener l’ordre en 1 000 années (quest-ce qu'il s'en fout, il meurt après 10min de lecture alors un millénaire ou 29 de plus ça change plus rien pour lui).

Il monte alors ce que l'on appel « la Fondation ». Basée sur deux planètes, chacune située à deux bouts diamétralement opposés de la galaxie.

Dans ce premier tome nous suivons la première fondation basée sur la planète Terminus.

Ce qui est génial dans ce bouquin c’est l’écoulement du temps. Le talent d'Asimov ne peut être remit en cause, il est indéniable que son œuvre, dans son ensemble est titanesque et innovante. Ici, il marque la narration et le scénario par quelque chose de rare et d’extrêmement compliqué à mettre en place tout en gardant l’intérêt du lectorat, l'histoire évolue sur plusieurs années – pas de petites années de rien du tout, mais bien des centaines d’années. Ce qui implique évidemment le changement régulier des personnages principaux, des mentalités, des décors, des mouvements sociaux, de la morale, etc… je pense que c'est en ça que l’on a pu affirmer qu’il s’agissait de sa plus grande œuvre.

Car en effet, c’est incroyable de pouvoir assister à l'évolution sans regretter le protagoniste duquel nous suivons le périple. Cela est un peu troublant au début, surtout quand la première fois c’est Hari Seldon lui-même qui laisse sa place. Bien sûr, ce genre de système d’écriture existe déjà en SF, je pense aux Chroniques Martiennes de Ray Bradbury, mais l’effet y était moins prononcé par le fait qu’il s’agissait d'un recueil de nouvelles qui se suivaient mais pouvaient être lues indépendamment l’une des autres. Ici l'histoire est d'un seul tenant mais cela ne choque pas, bien que l’appréhension que l'histoire perde en qualité se fasse immanquablement ressentir.

Mais qu’est ce qui fait de ce Fondation une œuvre à part ? Sa construction, aussi atypique soit-elle ne peut justifier son rang d’incontournable.

L'histoire en elle-même s’inscrit dans une veine de Fiction Spéculative dans le sens où elle explore des thématiques flirtants avec les sciences sociales et plus particulièrement la construction civilisationnelle. Passant de petite nation d’érudits au sein d'un monde autosuffisant à nation puissante au sein d'un effondrement généralisé, la planète Terminus va vite tenter d'exporter sa connaissance pour, dans un sens (bien qu’inconsciemment), sauver l'avenir au quel son peuple est destiné.

Car oui, à ce niveau on peut sous-entendre que le bouquin parle de « destin ». Les travaux de Seldon étant censés s’accomplir pour que le futur souhaité se réalise, il a personnellement arrangé certaines choses pour que les éléments à venir s’imbriquent entre-eux dans un tout. Si à un seul moment un protagoniste faisait le mauvais choix, c’est le tout qui pourrait être voué à l’échec.

Les personnages sont liés, même à travers les âges, par une fatalité qui leur est imposée. Ils sont forcés d'aboutir à un moment charnière de leur existence et de prendre une décision. Et, lorsque la décision elle-même les pousse aux doutes, la seule pensée qu’ils sont de toute façon dans le plan de Sheldon les guident vers ce qu’il fallait faire.

Un élément qui pourrait annihiler tout intérêt pour le scénario et qui pourtant est là le meilleur ressort possible pour la narration du Space Opera tel qu'Asimov nous le propose là.

C'est là le deuxième point essentiel de l’œuvre, le suspense.

Comme dit juste avant, malgré le fait que les situations doivent s’enchaîner d’une façon et pas d'une autre, les péripéties se suivent avec plaisir, on est dans de l'aventure et suivre la construction, l’émergence (!), d'un nouveau monde (bien que très ressemblant au précédent dans le fond) est un moment de plaisir de lecture.

Asimov ne fait ni plus, ni moins qu’une analogie de notre histoire (en version zapping et en admettant bien sûr qu'on soit passé des conquêtes romaines à la révolution industrielle anglaise en moins de 50 ans – on nous aurait menti ?!). La civilisation se construit tout d’abord sur plan politique mineure, puis face à un blocage va développer une religion qui va lui permettre de s’exporter vers de nouveaux horizons, ces pouvoirs engendrent logiquement de nouvelles formes de transmission et c’est ainsi que va naître le commerce (import-export, vente de bibelots et pacotilles en tout genre (uniquement disponibles en versions radioactives – « pas cher, pas cher ! »)), puis ce dernier va progressivement remplacer la spiritualité pour approfondir encore plus la ressemblance avec une société « moderne » - telle que définie de nos jours. Il y a dans cette psychohistoire, cette histoire d'un futur potentiel qui doit advenir, une histoire véritable, l'histoire de la civilisation de l'homo sapiens qui se répète inéluctablement, rattachant une fois de plus à une notion de destinée. Et, bien que l'on sache dans le fond que Seldon manipule la continuité des événements en plaçant dès le début ses pions dans le but de faire mat, nous prenons plaisir et intérêt à suivre les périples de nos héros successifs, car on y trouve de l'aventure, de l'action et de l’inattendu menant à l'attendu.

Il faut une grande imagination pour créer un univers tel que celui-ci. Mais est-ce que cela en fait le plus poussé des romans de science-fiction ?

Je ne pense pas.

Je m’explique. Bien que passionnant à suivre, avec une lecture facile et fluide, un décor abouti et des personnages souvent travaillés, je trouve que l'ensemble, bien que constitué de sous-propos (notamment sociologique) pouvant être intéressant à creuser, se cantonne à son postulat de base au travers de ses personnages.

Pourquoi aucun n'a cherché à se rebeller contre l’idée qu’il fallait accomplir ce que Seldon a introduit ? Même si la logique du récit aurait impliqué que cela était obligatoire pour réaliser la volonté du psychohistorien, le changement de point de vue aurait donné du relief à l'ensemble.

Car bien que chaque partie soit différente, qu’elles relèvent toutes d’un cadre imaginatif incroyable et que les intrigues qui y sont développées soient très bien pensées, l'histoire analogique que dépeint l'auteur manque, à mon sens, d'une bonne dose de rébellion (c'est bien connu que l'être humain est pacifiste de nature…).

C’est peut-être là le seul reproche que je peux faire au premier tome du cycle. Car il s’agit d'un très bon livre, d'une lecture entraînante et d'un tableau magnifique. Bien que je ne l’estime pas comme l’œuvre la plus importante de la carrière d'Asimov, il est objectivement indéniable qu’on est fasse à quelque chose d'audacieux.

Mais, d'un point de vue plus subjectif, j'y vois surtout une succession de péripéties – très plaisantes et vraiment sympas à suivre – mais sans plus de fond que ça. Un livre qui, toujours selon moi, a en plus le défaut de prendre le risque de n’attirer que les lecteurs du genre, le Space Opera marquant trop le décor et les détails, à moins de ne pas être regardant ou d'aimer la SF, il n'aura à mon avis pas l'attrait pour le néophyte que peuvent proposer d'autres titres de l’auteur comme, pour l'exemple, les premiers numéros du Cycle des Robots ou L’Homme Bicentenaire.

Un bon roman tout de même qui donne envie de poursuivre la saga.

ubik48
7
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le 21 déc. 2022

Critique lue 12 fois

ubik48

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