Puissance et originalité de ce traité humaniste

A l'heure à laquelle (été 2021) la France célèbre (discrètement) Napoléon Bonaparte et où ProVax et AntiVax se déchirent bruyamment (voir plus bas "& maintenant"), lire Condorcet est rafraichissant.
Quand bien même cette lecture pointe en creux :
- les tourments des 150 années qui ont suivi la Révolution française,
- de façon globale, la lenteur de la diffusion de la pensée humaniste (cf. poussée récente talibane en Afghanistan),
- l'égoïsme et le manque de recul qui parcourt nos démocraties, pourtant largement plus instruite que celle de Condorcet.

Pour convaincre des valeurs et de la vision du philosophe, je reprendrai 2 exemples.
Sur le colonialisme ou la xénophobie
> Parcourez l'histoire de nos entreprises, de nos établissements en Afrique ou en Asie, vous verrez nos monopoles de commerce, nos trahisons, notre mépris sanguinaire pour les hommes d'une autre couleur ou d'une autre croyance [...]

Sur la liberté, l'esclavagisme et les droits naturels de l'homme
> [...] l'opinion même que ces droits sont inaliénables et imprescriptibles, un vœu fortement prononcé pour la liberté de penser et d'écrire [...], pour la proscription de toute loi pénale contre les religions dissidentes, pour l'abolition de la torture...

Aussi, l'ouvrage se lit autant comme un traité de philosophie que comme un résumé de l'histoire de l'humanité.
On ne tiendra pas rigueur à l'auteur d'être ethnocentré sur l'Europe occidentale et plus largement sur le bassin méditerranéen (dont le Maghreb et le Moyen-Orient).
200 ans avant l'intéressant Sapiens de Harari, la tâche était de taille. Point d'internet ou d'atlas historique digne de ce nom à sa disposition !
Un tel ouvrage est donc somme toute une curiosité.

Et personnellement j'en ai retiré nombre d'envies de (re)lectures : Aristote, Descartes, Bacon, Locke... Bref de quoi enrichir l'âme pour tout défenseur des droits de l'Homme.
Sur le propos des droits de l'Homme justement, Condorcet pose remarquablement les conditions d'un progrès mondial.
- La réduction des inégalités entre les nations,
- Le partage à part égale du progrès pour le peuple d'une même nation,
- Le perfectionnement réel de l'Homme (à travers l'éducation et la culture notamment)
On peut bien sûr trouver que les 20 dernières pages de l'ouvrage sont optimistes.
Mais il me semble que ce serait :
- nier les progrès réels des conditions de vie un peu partout dans le monde
- oublier que Condorcet a parfaitement identifié les enjeux du partage des richesses, de l'égalité des chances dans la vie (transmission du patrimoine, droit au crédit...) et de l'instruction pour tous. Charge à la succession de les mettre en oeuvre.

"& maintenant" - A l'heure des débats sur la vaccination et/ou le passe sanitaire contre la Covid, comment ne pas méditer sur le rappel de Condorcet du Contrat social de Rousseau :
> On a senti que les moyens d'assurer les droits de chacun, [...] soumis dans chaque société à des règles communes, le pouvoir de choisir ces moyens, de déterminer ces règles ne pouvait qu'appartenir qu'à la majorité des membres de la société même.

L'auteur de ces mots - comme tant d'autres - ont sacrifié leur vie lors de la Révolution française, il y a plus de 200 ans, en affrontant la tyrannie et la justice arbitraire !
Comment nous inspirer au mieux de sa réflexion ?

Bref je n'en finis pas d'apprécier la puissance et l'originalité de cet ouvrage passionnant.
D'autant plus que :
- l'écriture y est simple, accessible, sans zèle de vocabulaire.
- Condorcet aborde quantité de sujets d'actualité : le contrôle du régime par les citoyens, l'égalité entre les sexes, l'intérêt d'une langue universelle (en plus des langues usuelles), le rôle prépondérant de l'éducation, le nouvel échiquier asiatique, le droit à l'indépendance des peuples etc.

Je fais donc le vœu, en forme de conclusion, que sa substance soit mieux enseignée dans le futur à l'école de toute Démocratie !