Eragon
6.5
Eragon

livre de Christopher Paolini (2003)

Alors âgé de douze ans, je garde de la découverte d’Eragon un souvenir enthousiaste, si ce n’est enfiévré : un ressenti aujourd’hui en total décalage avec le fruit, flétri, d’une seconde lecture correcte. Si l’on peut imputer la chose à un manque de recul évident, j’avais pourtant déjà eu l’occasion d’expérimenter des romans « jeunesses » plus consistants, mais le hit de Christopher Paolini sera malgré tout passé entre les mailles du filet.


Mais cessons les tergiversations, et penchons nous plus assidument sur ce premier volume de la trilogie, pardon, tétralogie du jeune romancier (dix-neuf ans lors de sa parution, tout de même) : pour sûr, le facteur « influence » transpire à n’en plus finir, l’étiquette de fantasy que s’approprie L’Héritage renvoyant, sans détour, à d’incontournables du genre - Le Seigneur des Anneaux en tête de file.


Fils d’éditeur, l’auteur ne se sera, à ma connaissance, jamais caché d’avoir grandi à l’aune de ces classiques intemporels, au détriment d’ailleurs du médium télévisuel ; une présomption amusante, dans la mesure où la structure narrative d’Eragon n’est pas sans rappeler Star Wars - Un Nouvel Espoir. Mais plutôt que de risquer de plagier le travail comparatif édifiant d’un confère sens-critiqueur, je vous enjoins à découvrir les ficelles de ce pont entre deux œuvres plus proches qu’il n’y paraît : c’est d’ailleurs la toute première critique que j’ai apprécié en ces lieux.


Bref, Eragon s’apparente d’abord à un patchwork un peu maladroit de récits immensément populaires, son pan fantaisiste en usant au risque d’y perdre en originalité : la triade Hommes - Elfes - Nains l’illustre parfaitement, tandis que les Urgals tiennent davantage de l’Orque-like (et donc un semblant de cache-misère) que d’une véritable innovation. Faut-il pour autant tirer d’emblée sur l’ambulance ? Sûrement pas, le romancier précoce cousant contre vents et marées un univers pas si mal foutu car cohérent ; de surcroît, les informations distillées au compte-gouttes sur les Dragons et autres peuplades authentiques (Ra’zacs et Chats-garous en tête de file) sont hautement bienvenues dans le contexte, prévisible, de la trame principale.


Car là est le gros écueil d’Eragon, celui-ci tissant un fil rouge jamais surprenant, la faute en revenant à des personnages, bien souvent, unidimensionnels. Pire encore, Christopher Paolini s’emmêle un peu les pinceaux en ce qui concerne l’écriture de son principal sujet, le fermier devenu dragonnier versant dans nombre d’impertinences : outre son caractère lisse et rarement nuancé, son évolution dénotent au gré de réflexions aucunement en accord avec le portrait initialement dressé, comme si le bougre s’inventait tout à coup philosophe quand il ne le devrait pas... ou tout du moins pas de suite, ne brûlons pas les étapes.


Dans une autre veine, le roman se repose un peu trop sur « l’expérience ancestrale » qu’invoque la nature de Saphira, celle-ci ne jouant pas assez de sa jeunesse au point d’enliser sa relation, pourtant primordiale à la bonne tenue des évènements, avec son partenaire bipède dans une routine formatée. Autre point dérangeant : je ne sais pas ce que donne l’anglais de l’auteur à l’écrit, mais la traduction de Bertrand Ferrier est loin, sacrément loin, de lui rendre hommage. Son style simpliste comme pas deux exacerbe en effet à n’en plus finir l’étroitesse de vocabulaire d’une narration décidément pataude ; heureusement, l’effort linguistique et créatif fourni par Paolini compense, en partie, les prétentions au rabais de l’ensemble.


Dans la lignée d’une lecture pas désagréable, Eragon constitue finalement une entrée en matière recevable, une certaine forme de sympathie, et même un soupçon de curiosité quant à l’exploration future de l’Alagaësia, rehaussant ses quelques errements : si ces derniers font mine de s’empiler à n’en plus finir, gageons donc que L’Héritage saura corriger le tir par la suite.

NiERONiMO
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le 26 juil. 2018

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