Entrée dans une pensée et une lutte émancipatrices méconnues, trop souvent caricaturées et dont on minimise l’importance.


L'auteur du remarqué Animal radical, Histoire et sociologie de l’antispécisme [Lux, 2020], Jérôme Segal nous offre ici une belle entrée dans le courant philosophique trop méconnu de l’antispécisme. Il le parcourt en Dix questions dans ce format – collection ? – des éditions Libertalia qui se propose de nous introduire à une notion de manière abordable. Intention louable et nécessaire, aujourd’hui, que de s’adresser au plus grand public pour traiter de sujets le plus souvent ignorés, voire caricaturés. Je vous recommande, par ailleurs, l’excellent Dix questions sur l’anarchisme [Libertalia, 2020] de Guillaume Davranche pour en savoir plus sur un courant politique dont certain·es se réclament et que d’autres craignent sans en connaître les fondements.


Dix question sur l’antispécisme ne vise pas à persuader ses éventuel·les lecteur·ices d’adhérer à l’antispécisme. Jérôme Segal nous donne à lire l’histoire d’un courant de pensée, ses différentes tendances, ses implications actuelles, ses relations avec les différentes luttes émancipatrices ou certains courants politiques : anarchie, écologie ou socialisme.


Ce sont de belles pistes qui nous sont données en un peu plus d’une centaine de pages concises et foisonnantes de références pour qui voudrait approfondir les questions traitées.



L’ENJEU DES MOTS



Retirons dans un premier temps le préfixe « anti », intéressons-nous à la notion de « spécisme ». Le terme a été introduit par Richard Ryder – Écrivain et psychologue britannique – dans un tract rédigé en 1970. Il s’agissait de montrer que les luttes conte le racisme, le sexisme et le classisme ignoraient la condition animale. Il opère un parallèle entre la « race » et l’ «espèce ». Les deux « n’ont pas d’existence physique mais existent dans l’esprit de certains.» [p.19] Ainsi de la même manière que l’antiracisme vise à déconstruire le concept de « race », l’antispécisme vise à dépasser la notion d’espèce dans et par laquelle nous classifions les êtres. L’antispécisme veut donc, dans un premier temps, dépasser la « catégorie » d’espèce qui est une construction sociale.


Intervient alors un concept central au sein de l’antispécisme ; la « sentience ». Le terme a fait son entrée dans le Larousse 2020 il y est défini de la manière qui suit :



Sentience (du lat. sentiens, ressentant) : pour un être vivant,
capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à
percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de
vie.



Saisir le monde et les êtres qui le constituent par ce biais permet de dépasser les cadres figés par la notion « d’espèce ». Les animaux, loin d’être des choses inertes, sont avant tout des êtres pourvus d’émotions? Ils ressentent douleur, peur et bien-être. C’est l’une des raisons parmi lesquelles ce concept de « sentience » est fondamental. Son usage croissant et la reconnaissance symbolique que représente son entrée dans le dictionnaire ne sont pas choses anodines. La langue et les mots sont des enjeux éthiques et politiques, qu’un terme tel que « sentience » puisse parvenir à se frayer un chemin – certes long et sinueux – jusqu’à l’usage commun peut contribuer à changer nos représentations sur les animaux. Comme pour l’écriture inclusive ou la féminisation de certains termes, l’ordre dominant et les institutions au pouvoir ne peuvent que s’opposer à ces changements. Le parallèle peut être vite établi entre l’académie française et l’académie française des vétérinaires, cette dernière s’étant vivement opposée à l’introduction de « sentience » dans le dictionnaire sous des prétextes fallacieux. Bien évidemment la démocratisation du terme ne peut suffire à faire advenir une organisation sociale et une manière de vivre qui ne seraient pas bâties sur la souffrance animale – sentence que l’on pourrait appliquer à l’ensemble des luttes qu’elles soient anti-validistes, anti-transphobes…etc.


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le 13 mars 2022

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