Oh, le bonheur de retrouver Alice Zeniter après L'art de perdre, ce splendide roman d'une densité et d'une générosité folles. Et le début de Comme un empire dans un empire laisse à penser que ce nouveau livre sera du même tonneau. On y suit, à partir de l'hiver 2019, et avec délectation, les routes parallèles empruntées par les deux personnages principaux du livre : Antoine, assistant parlementaire et L, hackeuse de son état. Il représente le monde du "dehors", elle incarne celui du "dedans'. Le roman parle d'aujourd'hui, de la difficulté de faire de la politique dans notre société malade, des limites de l'engagement, bref, c'est assez passionnant, du moins dans le premier tiers du livre. Le style de la romancière est toujours brillant : les phrases sont ciselées et les formules affutées. Puis, peu à peu, l'intérêt commence à se diluer, notamment quand Alice Zeniter détaille plus que de raison le fonctionnement et les actions des pirates du web. Nul doute qu'elle a acquis une documentation plus que respectable sur le sujet mais ce n'est pas une raison pour nous l'asséner d'une manière aussi didactique et pesante. Le livre ploie sous les explications à n'en plus finir et en perd sa chair humaine qui se résume de plus en plus aux états d'âme et au mal être de ses héros déboussolés. Un peu d'humour aurait peut-être pu desserrer l'étreinte mais non, le livre fait hélas montre d'un sérieux intransigeant. Conséquence : Comme un empire dans un empire, malgré quelques passages enlevés, semble se vider de sa moelle romanesque et le sort de L et d'Antoine finit par nous indifférer. Et ce n'est pas le dénouement, dans une communauté bretonne, avec ses longues descriptions, qui peut régénérer l'ouvrage. Son démarrage laissait espérer un roman balzacien de la plus belle eau. Son excès de gravité et son caractère outrageusement pédagogique n'ont pas confirmé ces alléchantes prémices.

Cinephile-doux
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le 27 août 2020

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Cinéphile doux

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