Chronique vidéo https://www.youtube.com/watch?v=YmJVOzeC22Y



De quoi ça parle ? La première scène du livre est la rencontre entre Cléopâtre, jeune artiste désœuvrée et Frank, un quarantenaire qui bosse dans la pub. Vont rapidement suivre le mariage et les premières disputes, et le livre s’attachera à dénouer leur relation, faites de compromissions, de non-dits et d’égoïsme.

Ce que j’en ai pensé ? J’ai bien aimé ce livre, même si je pense que le pitch des éditeurs, et la couverture nous amène vers une lecture plus adulte, qui ne correspond pas tout à fait à la réalité.


Cela se passe dans une époque que j’aime bien, les années 2005, 2010, une époque pas encore trop traitée dans les arts, peut-être pas encore assez vintage. La page de vente dit que c’est un mélange entre Marriage story et Les chroniques de San Francisco, mais je n’ai pas forcément trouvé — ce sont des drames, alors que là, on serait plus sur une comédie dramatique, voire une comédie romantique — un livre que je rangerai dans la catégorie chick litt, même si je doute que cette classification existe encore — la littérature de poulettes, on a trouvé mieux comme dénomination. Ce que je veux dire, c’est que je pense que c’est un roman plutôt destiné à un public féminin, et assez léger, malgré sa couverture qui fait art et essai : un mélange entre Big little lies (qui lui ressemble beaucoup par bien des aspects), et sex and the city pour le côté frivole et mode. On a carrément l’impression que certains personnages ont été écrits avec une idée de série et le casting en tête (je pense à Alexander Skarsgaard pour Anders, ou Zoé Kravitz pour Zoé qui jouent justement dans Big little lies). Censé décrire le désagrègement d’un couple de l’intérieur, c’est plus le côté mondain, la superficialité de certaines relations, les fissures causées par les non-dits auxquels on assiste — parce que le couple formé par Cleo et Frank, dès le début on n’y croit pas. Et je pense que c’est fait exprès, car dès la rencontre, ils essaient de s’inscrire dans la lignée de couple mythologique, (« Mais se disputer peut être une bonne chose, aussi. Regardez Frida Kahlo et Diego Rivera. »), avec des répliques qui font trop mouche pour être parfaitement sincères. Ils aiment ce qu’ils se renvoient, l’image positive d’eux même que cette union leur projette — ils pensent se réinventer, devenir ce qu’ils aimeraient être ; et évidemment, c’est trop demander au couple, de colmater les brèches, donc ça va foirer, et en beauté.

Parce que le livre parle surtout de se trouver soi, finalement, de ne pas attendre de l’autre ou des autres qu’ils nous remplissent — et pour ces mêmes raisons peut avoir un côté un peu nombriliste — je pense notamment à la fin du personnage de Quentin, le meilleur ami de Cléo, qui tombe dans la drogue avec celle-ci qui baisse les bras bien vite (et le livre semble aller dans cette morale : on a fait ce qu’on a pu, maintenant, on ne devrait pas laisser les personnes toxiques nous envahir). Et je trouve que c’est dommage, parce que tout le long du livre, on s’applique à nous rendre attachants des personnages cabossés, imparfaits, dans lesquels on peut se reconnaître, et on sent la possibilité non pas du bonheur qui est peut-être un souhait trop générique, mais en tout cas la possibilité d’un apaisement, d’un équilibre malgré les obstacles. Et finalement non, on se dirige vers une fin américaine, Cléo trompée retrouve son but dans la vie, qu’est l’art, Frank va aux alcooliques anonymes et se trouve une nouvelle petite amie plus stable, et ils restent ami et tout le monde, et tout le monde il est gentil, et tous les personnages qui eux ne trouvent pas la félicité, ben on les balaie de la main et on n’en parle plus, (les fameuses relations toxiques dont je parlais plus tôt). Et cette manière de voir les choses est à mes yeux très individualiste et égoïste, et le fait que ce soit montré comme une happy end me laisse perplexe — si tu ne veux pas terminer le destin de tes personnages secondaires, tu peux en faire un peu moins — Zoé, Quentin et Audrey ne servent pas beaucoup à l’intrigue principale — on aurait pu les fusionner en une seule personne pour avoir un personnage complexe.


Ça donne l’impression que je n’ai pas aimé, mais vous commencez à me connaitre, j’aime bien chercher la petite bête. A vrai dire, malgré les défauts que je pointe (et qui n’en sont pas vraiment — il est possible que ce soit la volonté de Coco Mellers de terminer sur quelque chose de doux amer), j’ai passé un bon moment. J’ai beaucoup aimé les passages qui passent à la première personne, comme un livre dans le livre (ceux où la narratrice devient Eleanor, la maîtresse de Frank), qui nous permet de nous attacher autant à l’autre femme, qu’à la légitime, c’est assez rare pour être souligné de ne pas créer des antagonismes faciles. En revanche, ce que j’ai trouvé de trop surligné, c’est le fait de tout le temps dire qu’il s’agit de solidarité féminine ou de sororité « Non, Frank, dis-je très lentement. C’est de la solidarité féminine. » — pour moi, le dire, c’est déjà échouer, il faut laisser parler les actes, ne pas chercher à les définir, comme pour avoir le sigle voix féministe. C’est un peu dommage. Pareil, je trouve qu’à certains moments, Coco Mellers, explique trop la gestuelle de ses personnages (par exemple, il lève les paumes en signe de reddition, nous sommes des animaux sociaux, on comprend la plupart du temps ce qu’un geste signifie, et ne pas l’expliquer, ça peut ajouter du trouble, et donc de l’intérêt — d’ailleurs, ses personnages bougent tous de la même manière, je ne compte plus le nombre de fois où ils basculent la tête en arrière.



YasminaBehagle
7
Écrit par

Créée

le 9 oct. 2022

Critique lue 52 fois

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