Mariana Enriquez et moi, ça n’a pas commencé très fort. Au bout de 200 pages (sur 800 !) de Notre part de nuit, sorti à la rentrée dernière au Sous-Sol, j’ai même jeté l’éponge. Impossible pour moi de rentrer dans cette grosse série Z et son fatras ésotérico-horrifique : j’ai trouvé ça affreusement kitsch et grotesque. Mais puisque les louanges ne tarissent pas à son égard, j’ai retenté ma chance avec ses nouvelles sorties en poche.
Si la recette est peu ou prou la même - des récits ancrés dans la réalité sordide de la société argentine la plus misérable, où une percée vers le fantastique et l’horreur prolonge l’effroi du quotidien -, la forme de la nouvelle réussit bien plus, à mon sens, à Mariana Enriquez. Contenue dans des petites formes qui restent volontiers allusives ou tendent vers des fins ouvertes, son écriture se fait plus intrigante, moins leste. Certaines nouvelles, malheureusement, n’échappent pas au côté grand-guignolesque que pouvait avoir Notre part de nuit. Mais dans les meilleurs cas, ces histoires qui tournent souvent autour du rapport au corps meurtri évoquent les nouvelles de Carmen Maria Machado, avec laquelle Marina Enriquez partage sans doute nombre de références littéraires et cinématographiques - du classique roman gothique aux séries d’horreur les plus gore.