A 25 ans, Silvia Avallone a surgi dans le paysage littéraire italien avec D'acier, énorme succès public et critique (mérité). 10 ans plus tard, après avoir signé d'autres bons livres, mais rien de comparable à son premier, Une amitié vient rappeler à quel point la romancière est douée, notamment pour décrire l'adolescence, sans doute en lien avec celle qu'elle a elle-même vécue. Oui, son dernier livre raconte, comme dans D'acier, le quotidien de deux filles rebelles de 14 ans, aux prises avec les questions d'être et de paraître, et unies par un lien puissant alors qu'elles sont aux antipodes l'une de l'autre, l'une effacée, l'autre extravertie. C'est près de deux décennies plus tard que la première prend la plume pour raconter cette histoire d'amitié presque amoureuse, qui s'est achevée net pour une raison que, bien entendu, l'auteure ne nous révélera que peu avant le dénouement du livre, avec une surprise supplémentaire à venir. La narratrice, torturée par le succès de son ancienne amie, devenue une influenceuse mondialement connue, fait sans cesse des allers-retours entre son présent et le passé, distillant ses informations avec parcimonie, et détaillant de façon minutieuse la vie dans une petite ville de province, en bord de mer, le lycée et ses rivalités, les premiers émois amoureux et la relation avec les parents. Silvia Avallone, qui ne dédaigne pas parfois la légèreté et une certaine crudité d'écriture, sait parfaitement où elle va, lorsqu'elle décrit la relation des adolescentes et leur environnement puis ce qu'elles sont devenues à l'âge adulte, avec au passage sa vision peu amène d'internet et des réseaux sociaux, un monde où s'exhiber devient un acte existentiel. La narratrice, qui a vécu sa prime jeunesse par procuration, auprès de cette "amie prodigieuse", ne nous livre évidemment que sa perception des choses, se demandant si "grandir c'est trahir" mais elle se remet aussi en question constamment, se flagellant à l'occasion, et c'est ce qui fait l'épaisseur d'Une amitié, qui a beau revenir en cercles concentriques et de manière obsessionnelle sur un seul sujet, n'en a pas moins un caractère universel à propos de notre place dans le monde, de nos failles, de nos désirs et de nos regrets. De ce qui fait de chacun d'entre nous un être perfectible et remarquable.

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le 22 janv. 2022

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