Seul le grenadier, de l'irakien Sinan Antoon, porte le titre de Le laveur de cadavres, dans sa traduction anglaise. Il donne effectivement une idée assez explicite de ce qu'est le roman avec un narrateur qui a pris malgré lui la succession de son père et des générations précédentes dans cet office qui est loin de son rêve de devenir sculpteur. Des dernières années de la guerre du Golfe à aujourd'hui, le livre raconte la violence ininterrompue à Bagdad, devenue encore plus sanglante avec le conflit confessionnel. S'il y a déjà eu d'excellents romans d'auteurs irakiens, ces derniers temps, notamment Frankenstein à Bagdad, Seul le grenadier est sans aucun doute le plus poignant, ne serait-ce que dans ses aspects documentaires pour comprendre véritablement ce que signifie la vie et la mort, inextricablement liés, en Irak. Ce thème est l'un de ceux traités par Sinan Antoon notamment à travers ce métier de laveur de cadavres qui donne lieu à plusieurs scènes d'une force incroyable. Au-delà de son réalisme saisissant, le livre est aussi une fiction remarquable autour de son personnage principal, de ses rêves et cauchemars, de ses amours impossibles,de son apprentissage de l'âge adulte, et de son enlisement progressif dans ce qui pourrait ressembler à une dépression si le mot n'était pas aussi dérisoire dans une vie cernée au plus près par la mort. Ce requiem de Bagdad est rendu vibrant par un style délié, une plume qui recourt à la poésie à chaque fois que le linceul de la tragédie semble recouvrir cette ville dont l'âme ne fait qu'errer entre vivants et défunts.

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le 11 mars 2017

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