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Replay
8.4
Replay

livre de David Didelot (2019)

L'invasion des profanateurs de fil


Si vous faites partie de la cible, il est fort probable qu'un post sur la sortie de cet ouvrage ait poussé de manière assez incontrôlable sur votre fil Facebook. Entre posts, reposts, partages, commentaires et autres likes, impossible de passer à côté de la gentillette déferlante "Replay".
Mais au fait, quelle est cette cible ? Il ne s'agit rien d'autre de ce qu'on peut appeler assez trivialement les "fans de ciné de genre". Alors dit comme cela, ça peut ne pas signifier grand-chose mais il faut savoir que les membres de ce groupe plutôt protéiforme, se reconnaissent entre eux, aiment disserter, analyser, disséquer, autopsier, baver, provoquer sur leur sujet favori : le cinéma bis, Z, d'horreur, fantastique, de préférence plus fauché que thuné, la série B, le nanar, l'ultra-gore. Ainsi, il suffisait d'avoir parmi ses contacts ne serait-ce qu'un seul de ces individus allumés (à ne pas confondre avec le fan d'Annabelle dont la capacité rédactionnelle ou oratoire se limite à "c tro bien" ou "tro nazzzz"), pour voir passer une petite note sur ledit livre.


Master of Horror


Déjà, qui en est l'auteur ? Est-ce l'un de ces érudits qui nous épate à chaque intervention pointue à la TV voire dans nos magazines préférés (toujours les mêmes) ? Pas vraiment. Après une enquête de quelques minutes, il s'avère que David Didelot n'est autre que le plus célèbre des cinéphiles inconnus. Les quelques billets trouvés qu'il a signés donnent le ton. Le môsieur connaît indubitablement son sujet et sait le faire partager. Il sait le faire en ligne, mais officie aussi (et c'est encore mieux) lors de certaines conventions devant public et avec ferveur.
C'est un fan, un vrai, un connaisseur. Rédacteur compulsif pour des blogs avertis (Toxic Crypt), évangéliste convaincu du thriller transalpin, intellectuel accessible à la rhétorique pamphlétaire délirante, il aime, non, il adore faire partager son amour illimité du "bon film" de préférence pas spécialement connu, impossible à diffuser en prime sur TF1...
Une fois le bonhomme cerné, impossible de ne pas commander le livre, vendu comme un retour aux sources, aux années chéries de la location VHS et à la découverte des œuvres maîtresses que l'on connaît tous...


Necronomicon


À l'heure du Netflix, du Disney -, du Amazon Prime, du Youtube Premium, nul doute qu'un ouvrage sur l'époque bénie des vidéo-clubs (en tout cas, vendu comme ça) tel que "Replay" tombe à pic, comme une bouée jetée dans l'océan du choix vidéo de piètre qualité et des conditions déplorables inversement proportionnelles aux débits et définitions d'image d'aujourd'hui. Qu'il est bon de pouvoir se replonger dans cette époque, pleine de découvertes inédites où même les remakes étaient d'excellente facture. Pour quelqu'un qui possède encore sa TV cathodique et son magnéto VHS HIFI-stéréo 4 têtes avec auto-tracking, il était impossible de ne pas mettre ce bouquin intriguant dans son panier vapeur.
Une fois reçu, aussitôt dévoré. Et au final, qu'en est-il ?
Quand je disais que Mister Didelot écrivait des posts intéressants, ce n'était rien comparé à la découverte de sa plume "sur la longueur". Il sait vous emmener en voyage avec lui. C'est une biographie. Une vraie. Il peut paraître étonnant de se plonger dans la biographie d'une personne que l'on ne connaît pas spécialement et qui à première vue n'a pas eu une vie épique, pleine de péripéties dangereuses aux risques irréfléchis. Non, rien de tout ça.
Pourtant la connexion se fait et des liens se tissent. À titre personnel, en tout cas, surtout quand on voit dès le début que l'individu coupable de ce trip nostalgique a grandi à Semur-en-Auxois, petite ville bourguignonne où à première vue, il ne se passait pas grand-chose mais où apparemment des esprits créatifs et bouillonnants carburaient dans leur coin.
Première surprise, si le livre est bien tel qu'il a été vendu, c'est-à-dire une plongée dans la cinéphilie la plus pure, il est aussi et surtout l'histoire d'un (jeune) homme dans sa banalité la plus passionnante. Si comme attendu, les titres de films défilent, "Replay" n'est pas le catalogue craint (ou espéré) et trouve sa singularité et toute sa dimension lorsque les pages s'intéressent aux états d'âme du personnage.
Pourtant, rien de bien original, ni croustillant. Il passe son bac, rencontre des petites minettes plus ou moins sympas... Mais c'est cette plume mirifique qui rend ce récit étincelant. L'auteur se livre, impose ses idées, partage ses souvenirs, expose ses émotions. Nous découvrons alors un type attachant, curieux, fragile quelques fois, érudit toujours. Et c'est dans ces tranches de vie que le livre est le plus passionnant. Nous venions pour du VHS, nous repartons avec un copain.
Et bien sûr, ce trek dans ces années d'explorations est accompagné de titres de films et de reviews délicieuses. Ainsi, on se retrouve à avoir ressenti les mêmes choses, pour les films découverts à peu près au même moment, et on se surprend à vouloir revivre les frissons de l'angoisse décrits dans ces pages en regardant les films que l'on n'a pas encore vus. Cette capacité à pouvoir faire transmettre de telles émotions est hautement passionnante.
Autre chose qui marque, et c'est très personnel (alors que je déteste écrire en mode "Je") est qu'avec le Dr Didelot nous nous sommes croisés à la même période sans jamais s'être rencontrés : enfance à Semur-en-Auxois, études à Dijon (probablement nous étions plusieurs fois dans la même salle à la Grande Taverne) et même au concert des Guns à Bercy !! C'est assez perturbant de prendre conscience que des vies similaires se sont déroulées au même endroit et à la même époque, mais comme deux droites parallèles ne se sont jamais croisées. Lire ce ou plutôt ces récits est une douce expérience (à renouveler sans doute), le bonhomme est idéologiquement plus que fréquentable, sa plume est acérée. Le livre, s'il est un bien bel objet, manque toutefois d'illustrations, on aurait adoré des posters d'époque, des photos des étagères VHS, de la devanture de la Grande Taverne, mais même sans ce mini-cela, pour tous les nostalgiques de l'époque et également pour ceux qui ne l'auraient pas vécue, ce voyage est incontournable...Et peut-être sans retour !

chrisr
8
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le 1 févr. 2020

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chrisr
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