Jeune avocat un peu maladif, le narrateur se retrouve en charge du dossier judiciaire d'Ahmet A. Ce dernier avec son « ami » Unwer a été complice d'horribles exactions contre Annie B, aide soignante en Alsace en 1996. Ils l'avaient séquestrée, battue, violée puis étranglée et brûlée. Son crime avait été de « débaucher » le frère aîné de Unwer, ce qui avait été mal vu par la famille, des kurdes traditionalistes.


Mais un peu moins de 20 ans après la condamnation, se pose la question de la libération d'Ahmet. Il serait immédiatement expulsé dans son pays, où la famille d'Unwer le tuerait, pour de sombres histoires d'honneur familial. Le jeune avocat est donc chargé d'étudier quelles sont les possibilités juridiques pour lui.


De cette histoire glaçante, et bien réelle, puisque c’est la sienne mais sous un pseudonyme, Antoine Bréa livre un récit qui s'intéresse aux nuances, qui tente de mieux comprendre ce que cache son drame. Il est pourtant proposé sans prendre parti, son auteur suivant le fil de ce qu'il vit. De ses rencontres où il tente de surmonter son anxiété maladive, de ses voyages inquiétants dans des trains de Champagne-Ardennes pour aller à la maison centrale de Clairvaux, le lecteur suit un avocat parfois dépassé par sa propre quête mais qui va aller au bout de la tâche qu'on lui a confié. Différents thèmes s’esquissent, comme celle des meurtres tribaux, du statut des réfugiés, de la situation carcérale ou de la misère en France.


Et de ce qu'on a alors considéré comme un récit glaçant mais authentique, on se rend compte qu'il y a une bascule, un moment où on comprend que ce n'est pas qu'un récit judiciaire, qu'un témoignage ou une esquisse sociologique de la violence. Il y a aussi de l'anticipation, sans que le lecteur puisse déterminer à quel moment la fiction s'est installée dans la réalité tellement elle est bien amenée. Sans qu'il ne sache vraiment ce qui est plus inquiétant, entre ce qui s'est passé et ce qui pourrait arriver.


Récit d'un avocat est bien plus ce que son titre ne laisse supposer. Il est glaçant, captivant, et finalement, renversant. L’histoire d’Ahmet est poignante et dérangeante, tout comme celle vécue par cet avocat. Le livre se moque des genres, il se moque peut-être de nous, dans un bel élan littéraire entre l’exactitude documentaire et le mensonge.


Quelques dents d'Officiels ont dû grincer : l’ouvrage a été retiré des rayons peu de temps après sa sortie.

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le 8 mai 2019

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