Note : cet avis réunit Quatre coeurs imparfaits et La science des cauchemars, tous deux de Véronique Ovaldé et Véronique Dorey.


L’écriture de Véronique Ovaldé dans ses romans comme Ce que j'aime de Vera Candida est évocatrice, belle et tragique. Avec une telle alchimie de termes choisis avec justesse, il est presque surprenant de constater qu’elle a collaboré avec différents artistes pour qu’ils donnent leurs image de ses mots.


Elle a ainsi travaillé sur deux titres avec Véronique Dorey, alors surtout connue comme colorisatrice de nombreuses bandes dessinées. Mais cette dernière a révélé au début des années 2000 sa passion pour l'illustration. Une relecture d'une imagerie populaire jeunesse, avec des figures enfantines, mais sous un angle plus inquiétant. Son style se rapproche de Benjamin Lacombe, mais dans un registre plus morbide, plus étrange, principalement en noir et blanc.


Dans Quatre coeurs imparfaits, une jeune fille est confrontée aux modèles de quatre sœurs qui sont sa mère, morte, une autre folle, une autre prostituée et une autre vieille fille car femme d'un seul amour hélas écourté trop vite. On y retrouve deux thèmes importants de Véronique Ovaldé, l'enfance et les relations familiales, toujours contrariés.


Dans La science des cauchemars, une jeune fille fugue à la recherche d'un prétexte. Elle trouve une raison d'exister quand un vieil acteur de pornographie lui raconte ses cauchemars et qu'elle décide de l'aider à les vaincre. La jeune fille déracinée fait écho à Vera Candida, mais dans un registre qui évoque clairement l'onirisme de certains des écrits de Véronique Ovaldé.


Une fois de plus, Véronique Ovaldé nous plonge dans le monde deux personnages féminins dont les questionnements, pour la première, et les actions, pour la deuxième, n'interrogent rien que de plus que notre identité, qui on est, ce qu'on fait. Mais, de par le texte court, en restant avare de mots, l'auteur joue aussi sur l'étrangeté. Une étrangeté qui est accentuée par l'incongruité des évènements présentées.


Le texte est délicatement noir, parfois glauque, et les illustrations de Véronique Dorey répondent parfaitement à cette ambiance. Il y a une étrangeté macabre dans ces dessins, aux traits cotonneux, dans des nuances de gris, pour un sentiment de malaise parfois provoqué, parfois insinué.


Avec ces deux courts textes, si on retrouve des thèmes chères à Véronique Ovaldé, la collaboration entre les deux Véronique accentue ce côté sombre, qui n'est pas désespérant, qui n'est pas étouffant, mais qui mise sur un mince filet d'étrangeté pour créer un sentiment de mal-être léger mais marquant. L'étrangeté des dessins et l'onirisme des textes se mélangent à merveille pour deux livres d’une douce noirceur.


Véronique Ovaldé a délaissé Véronique Dorey pour Joann Sfar dans une autre nouvelle illustrée, À cause de la vie, plus douce et sensible, à ne pas manquer aussi.

SimplySmackkk
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le 2 nov. 2019

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