Numéro 11 est le ... onzième roman de Jonathan Coe. Pour les lecteurs britanniques, le chiffre 11 évoque immanquablement la résidence du Chancelier de l'Echiquier, là où se décide la politique économique du pays. Et si le livre s'amuse à en faire une sorte de fil rouge, il ne faut pas lui accorder plus d'importance que cela. Par sa construction, en 5 segments en apparence indépendants, et son propos, rien de moins qu'un état des lieux du Royaume-Uni après Blair, l'ouvrage se révèle bien plus ambitieux que les deux prédécesseurs de son auteur, La vie très privée de Mr Sim et Expo 58. Pour autant, il n'en est pas moins passionnant quoique nettement moins drôle. Coe ausculte l'état déliquescent de notre voisin d'Outre-Manche sous la forme d'histoires qui tiennent de la satire acerbe avec des récits qui se complètent mais diffèrent totalement dans la tonalité. Il y a de quoi être décontenancé mais Jonathan Coe a volontairement conçu son roman ainsi quitte à surprendre son lecteur, à le mettre mal à l'aise et même à l'effrayer. La partie la plus violente, et la plus amusante aussi, est sans doute celle ayant trait à la télé-réalité, particulièrement incisive et cruelle. Mais Numéro 11 n'hésite pas non plus à aborder le registre du fantastique, en particulier dans sa dernière histoire, à déconseiller aux arachnophobes, laquelle se termine de façon disons énigmatique. Les ruptures de ton sont nombreuses mais le talent de conteur de l'écrivain britannique fait tout passer tellement son style est fluide et son art du suspense aiguisé. Par ailleurs, même s'il prend des voies très détournées, le livre ne raconte t-il pas finalement l'amitié sur 12 ans de deux jeunes filles, une relation un temps victime des réseaux sociaux (joli clin d'oeil) ? Numéro 11 est pessimiste dans l'âme et assez cruel, certes, mais il reste encore quelques raisons d'espérer, même en des temps aussi difficiles et troubles que les nôtres. Pas sûr que cela soit la morale du roman mais c'en est une que l'on peut y trouver, en cherchant bien.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes préférences romanesques de 2016

Créée

le 17 déc. 2016

Critique lue 339 fois

3 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 339 fois

3

D'autres avis sur Numéro 11 : quelques contes sur la folie des temps

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

76 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13