Une monumentale source d'informations et d'anecdotes fabuleuses, parfois racontées avec émotion, mais qui peuvent aussi finir par perdre le lecteur (notamment les noms - et surnoms ! - des dizaines de musiciens ayant accompagné Muddy Waters tout au long de sa carrière). Autre détail qui peut décontenancer : les avis de l'auteur sur les différents disques de l'artiste, dithyrambiques pour les blues les plus classiques (les plus "purs" certes, mais aussi les plus lassants pour le néophyte) et très critiques pour les albums les plus riches et intéressants du chanteur, notamment Electric Mud (pourtant son plus célèbre et apprécié) et Folk Singer.
L'auteur a en tout cas la belle idée de se concentrer sur les compagnons de route du bluesman, ainsi que les membres de sa famille, plutôt que les éventuelles stars (comme Keith Richards, qui signe tout de même la préface, ou Eric Clapton) qui ont puisé dans son répertoire une grande inspiration, ce qui donne aux témoignages une véritable authenticité dénuée de toute tentative d'iconisation. D'ailleurs, pas sûr que, même étant fan, on ait envie de rencontrer le grand Muddy : des anecdotes glaçantes racontent comment il traita ses nombreuses femmes et ses innombrables rejetons, ou comment il menaça l'ami d'enfance d'une de ses jeunes conquêtes avec un fusil à pompe, par jalousie mal placée ... Même si le contexte des ghettos de Chicago dans les années 50 excuse presque la violence de ceux qui l'habitaient : un jour que Muddy et un de ses amis se promènent, ils tombent sur une jeune fille assise sur son porche, et commencent à discuter ; sort alors le fiancé, furieux, qui insulte copieusement sa dulcinée ... avant de dégainer son revolver et lui tirer une balle en pleine tête.
La force du livre réside ainsi dans sa description du Chicago post-WWII à travers les yeux de ceux qui l'ont fait vivre, de l'exode des travailleurs des plantations, des petits jobs, des légendes du blues qu'on croise aux carrefours, de la gloire pour certains, du rythme infernal des tournées pour Muddy et son groupe, puis de la lente agonie des clubs lorsque les grandes années du british blues et les projecteurs ainsi braqués sur les vieux bluesmen ont passé...
Par ailleurs, le livre propose dans sa bibliographie une belle liste d'ouvrages divers sur le blues, le delta et ses musiciens.
La traduction française est, quant à elle, tout à fait correcte, s'appuyant d'ailleurs sur un ouvrage réputé sur le vocabulaire blues, Talkin' That Talk de Jean-Paul Levet.

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le 18 mars 2020

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