Quo Vadis ?
6.2
Quo Vadis ?

Film de Enrico Guazzoni (1913)

C'est autour des thèmes chrétiens du Pardon et de la Rédemption que s'articule ce péplum quelque peu oublié, aux acteurs fabuleux (dont le langage gestuel est expressif sans être excessivement théâtral), et qui s'ancre dans le contexte de la Rome décadente de Néron. La composition des plans, superbe (ces toges blanches des nobles se détachant sur les intérieurs mats, ou les habits sombres des sbires de l'empereur, ou bien ces portes systématiquement placées au centre de l'image, par où entrent et sortent les différents protagonistes, une astuce qui change des habituelles entrées et sorties des figurants et personnages secondaires par le côté et diminue la théâtralité habituelle des muets), les reconstitutions exceptionnelles de l'arène (horrible scène des lions, seulement montrés en train de déchiqueter les restes de prisonniers chrétiens) ou du palais de Néron, les filtres de couleurs (de l'édition que j'ai vue) si judicieusement choisis en fonction des scènes qu'on ne les remarque plus (ton sépia pour le prologue, orangé pour l'arène ensablée et ensanglantée), ce rythme surtout, qui n'occasionne aucun ennui (assez remarquable, surtout que Cabiria n'évitera pas cet écueil), font de ce Quo Vadis ? un petit chef d’œuvre du cinéma primitif.

Basé sur une histoire solide, celle de l'amour que porte un riche romain à une jeune fille pour laquelle il se convertit au christianisme, sur fond de manigances politiques, de persécutions des chrétiens ou d'orgies chez un Néron brutal et grotesque à souhait, le récit n'oublie aucun des nombreux personnages qu'il met en scène, et qui, du plus pathétique (Chilo) au plus cynique (Pétronius), en passant par le plus passionné (Vinicius), auront tous droit au Pardon rédempteur. Le réalisateur s'offre les moyens de faire plusieurs scènes impressionnantes (l'incendie de Rome, avec ses habitants en fuite surgissant par centaines de la fumée et se bousculant au milieu de la catastrophe) ou bouleversantes (le suicide de deux personnages), et, n'ayant pas les décors démesurés des futurs Cabiria (1914) et Intolérance (1916), il pense par conséquent son film comme un quasi huit-clos (la grande majorité des scènes est en intérieur). Une recette qui fonctionne merveilleusement bien, malgré ses 110 ans d'âge.
Seul défaut : des séquences perdues, qui rendent certains passages bien trop rapides et difficilement compréhensibles. L'usage du temps.

ComeSU
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le 29 mai 2023

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