Pourquoi la littérature devrait-elle nécessairement être sombre, triste et désespérante ? Force est de constater qu'ils sont plutôt rares les romans qui cultivent la fantaisie, la gaieté et l'optimisme. Ce ne sont d'ailleurs pas les plus faciles à écrire car il faut trouver le juste équilibre, ne pas tomber dans un ton melliflu et écoeurant. On trouve un certain de bons exemple parmi les romancières contemporaines qui ont ce talent : Véronique Ovaldé, Audur Ava Olafsdottir, Ito Ogawa, par exemple. Mais Les mille talents d'Euridice Gusmao, premier livre et best-seller de la brésilienne Martha Batalha, fait plutôt penser à Isabel Allende, celle des premiers temps. Ce n'est pas tant du réalisme magique, formule galvaudée, qu'une sorte d'enchantement du quotidien, aussi frustrant celui-ci puisse t-il être dans le Brésil des années 40 et 50. Les mille talents d'Euridice Gusmao (La vie invisible, si on traduisait le titre original, est bien plus adapté) raconte l'existence d'une carioca qui a du mal à s'épanouir dans le rôle de femme au foyer imposé par la société et les convenances. Ce n'est pas une rebelle, non, mais elle essaie tant bien que mal d'esquiver le conformisme ambiant en se lançant dans des dérivatifs motivants où elle excelle : la cuisine, la couture, l'écriture. Qu'il est compliqué de trouver sa voie entre un mari traditionnel, mais aimant, et des enfants qui ont du mal à comprendre cette mère singulière avec ses "lubies". Le livre est un portrait d'Euridice mais il n'est pas que cela. Il lui suffit d'évoquer un nouveau personnage et hop, Martha Batalha nous offre sa biographie complète, et pas vraiment façon wikipédia, mais avec un sens du pittoresque qui rend même les destins tragiques amusants. La romancière brésilienne est une conteuse d'histoires hors pair même si, parfois, ses digressions font perdre le fil de la trame principale. Mais qu'importe, elle retombe sur ses pieds et l'intrigue d'avancer dans ce Rio si bien décrit avec ses quartiers très différents selon l'appartenance sociale. Un roman plein de malice et de verve, facile à lire mais pourquoi cela devrait-il être un défaut ?

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le 24 janv. 2017

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