Entre le moyen Seul à savoir et Les fantômes d’Eden, il s’écoule quatre ans. Quatre ans durant lesquels Patrick Bauwen peaufine son nouveau roman, avec un soin inédit qui enveloppe chaque mot, chaque scène, chaque détail, chaque pensée du héros – Paul Becker, de retour après sa plongée en enfer racontée dans Monster.


Pour moi, sans hésitation, il s’agit du polar le plus réussi de Patrick Bauwen à ce jour. La métamorphose est même stupéfiante par rapport aux trois précédents, surtout du point de vue du style. Ici, l’écriture est totalement maîtrisée, d’une sobriété magnifique qui permet à l’auteur d’aller au cœur des émotions, ce qui ressort particulièrement dans les superbes chapitres racontant l’enfance de Paul Becker et ses amis ; l’ombre du Stephen King de Ça ou Stand by me, référence absolue du roman d’enfance, plane avec bienveillance sur le livre, intégrant joyeusement le lecteur dans la petite bande de copains dès les premières pages qui leur sont consacrées.


L’écrivain passe clairement un cap dans les Fantômes d’Eden, puisant sans doute au plus profond de son histoire personnelle une matière brute qu’il polit avec un soin jaloux, jusqu’à lui donner l’élégance évidente du diamant le plus pur. Ce roman est sincère, presque intime, ce qui le rend infiniment juste et touchant.


Mais la partie contemporaine, davantage thriller, fonctionne également très bien, car on s’attache tout aussi vite au parcours chaotique de Becker, à sa rédemption désespérée, à sa quête d’amour et de vengeance, en même temps que l’on suit avec fascination la trajectoire effrayante d’un tueur en série qui sort du lot.
Le tout, planté dans un décor américain que Bauwen rend totalement crédible (superbe Eden, petite ville du sud à laquelle on croit de bout en bout), tout sauf un gadget d’auteur français réfugiant son intrigue aux States parce que ça ferait « cool ». Patrick Bauwen connaît les États-Unis, il sait en parler avec sincérité et user des particularismes de ce pays à nul autre pareil pour nourrir son intrigue.


S’il faut nuancer cette partition majeure d’un petit bémol, c’est en raison de la fin, un peu trop spectaculaire et en même temps convenue, pas à la hauteur des montagnes russes émotionnelles qui la précédent. Mais pas non plus de quoi gâcher le plaisir de l’ensemble, ni atténuer l’impact durable des Fantômes d’Eden sur un lecteur conquis par la puissance, l’efficacité et la sincérité d’un Patrick Bauwen au-dessus du lot, au point de faire passer en un éclair 740 pages dont aucune ne paraît de trop. On en redemande !

ElliottSyndrome
9
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le 14 mars 2020

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ElliottSyndrome

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