Le Temps de Tycho par Cyril T

Le nom de Tycho Brahe, mise à part son étonnante sonorité, ne nous parle plus beaucoup, éclipsé depuis longtemps par de plus illustres confrères astronomes, ses contemporains ou successeurs, que sont Copernic, Kepler ou Galilée. En son temps, soit la fin du XVIe siècle, ses observations des comètes et de la trajectoire de Mars lui valent pourtant une réputation européenne, et le soutien de Frédéric II de Danemark qui lui permet de construire sur une île un palais-observatoire aux airs d’utopie astronomique, Uraniborg.

De cette vie, pas exempte non plus de vicissitudes (mentionnons un bout de nez tranché par un coup de rapière et un exil forcé en Bohême à la mort de son protecteur danois), Nicolas Cavaillès tire un court récit biographique qui ne s’attarde que peu sur l’anecdotique. Il s’y montre plus volontiers attentif à ce que l’on peut rêver d’Uraniborg, dans des scènes quasi symbolistes, et aux changements de paradigme que provoquent les travaux de Brahe, que ce soit le tic-tac de la première trotteuse de l’histoire, symbole d’un rapport au temps irrémédiablement modifié, ou l’espace immense qui s’ouvre dans le ciel lorsque Brahe prouve mathématiquement que les comètes ne sont pas un phénomène sub-lunaire. Brahe en est peut-être le premier effrayé, lui qui, aux dires de Giordano Bruno et de Kepler cités par Cavaillès, n’alla jamais au bout de ses observations qui auraient dû lui permettre de conclure, comme Copernic, à l’héliocentrisme du système solaire. Un beau portrait, qui appuie peut-être par instants un peu trop sur ses ambitions métaphysiques mais dont l’écriture légèrement précieuse est séduisante, d’un homme face au gouffre qu’il a lui-même créé.