Joe Pike est une machine. Taciturne et distant, il se cache en permanence derrière ses lunettes noires. Ses phrases sont courtes et dénuées d'émotion, comme celles d'un Terminator. Adepte du yoga, c'est un homme toujours zen et à l'écoute de son corps. Il dort peu et passe ses nuits à courir avec un sac lesté de 18 kilos sur le dos. Mais à l'instar de nombreux hommes, l'ancien mercenaire possède une faiblesse : les femmes. Face à elles, il devient bête, très bête même. Comme son comparse Elvis Cole, il se sent obligé d'aider les gens à qui il tient, et c'est pour une mystérieuse donzelle qu'il connaît à peine qu'il va grandement se mettre en danger.

Oui, vous avez bien lu : j'ai parlé de danger. L'invincible Joe Pike va en effet devoir se confronter à une sorte de double maléfique. Un tueur sadique et schizophrène qui passe son temps à discuter avec 2 voix imaginaires dénommées Tobey et Cleo. Autant vous dire que ce gimmick ridicule m'a vite agacé et que Robert Crais aurait pu s'abstenir de décrédibiliser ainsi le grand méchant de son livre.

L'histoire est assez tordue : Pike et Cole vont tenter par tous les moyens de sauver Dru Rayne et son oncle Wilson des mains d'un gang latino proche de la mafia mexicaine, et au fur et à mesure de l'avancement de l'intrigue, il s'avèrera que beaucoup de personnages avaient menti quant à leur réelle identité... Comme souvent, les 2 comparses feront brièvement appel au grand John Chen, et on pourra constater que le criminaliste de la SID est toujours aussi paranoïaque, complexé et malheureux avec la gent féminine.

Dans les 150 premières pages, on suit uniquement les aventures de Pike, et le rythme est particulièrement élevé. Aucun temps mort, et peu de discussions inutiles : l'armurier aux muscles saillants n'est pas un grand bavard, et comme un vrai Marseillais, il va toujours droit au but. Ensuite, dès qu'Elvis Cole entre en scène, Robert Crais semble un peu patauger, et l'intrigue fait du surplace. Toutes ces histoires de mafias bolivienne et mexicaine m'ont un peu ennuyé, et j'ai eu du mal à comprendre la réaction de Pike quand il a appris que la fille dont il était tombé amoureux lui avait menti sur toute la ligne. Je veux bien qu'il ait un code d'honneur, mais tout de même, j'ai trouvé peu crédible qu'il continue à l'appeler Dru alors qu'il savait pertinemment que ce n'était pas son vrai prénom. Comme le dit si bien le psychopathe à la page 332, les hommes savent garder la tête froide dans les affaires d'argent, mais ils deviennent "cons comme des manches dès qu'il y a de la chatte dans l'air"…

Comme souvent avec Robert Crais, les personnages manquent de profondeur et sont à la limite de la caricature. Pour certains lecteurs, c'est un avantage, car cela permet de se concentrer uniquement sur l'histoire et de ne pas s'éparpiller avec de longues et ennuyeuses analyses psychologiques. Mais pour que le lecteur ne se sente pas lésé et n'ait pas l'impression de lire un banal roman de gare, il faut que l'histoire soit en béton armé, et ce n'est pas vraiment le cas ici. Comme je vous l'ai dit plus tôt, j'ai dévoré ce livre pendant son premier tiers, mais lors des 200 pages suivantes, j'ai eu l'impression que l'auteur cochait un à un tous les clichés possibles du roman noir, et l'affrontement final entre les 2 tueurs n'aura pas été à la hauteur de mes attentes.

La Sentinelle de l'ombre n'est pas un mauvais livre : vous prendrez sûrement du plaisir à le lire, et cela fait toujours plaisir de retrouver le couple Cole/Pike. Mais je peux aussi vous garantir que vous oublierez son intrigue aussitôt la dernière page achevée. Il serait donc grand temps que Robert Crais prenne des risques et fasse drastiquement évoluer ses personnages, sans quoi, même ses plus fidèles lecteurs finiront par lâcher l'affaire.
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le 28 févr. 2015

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