Les mille et une aventures de l'apprenti cornac

usqu'à 1928, la plus grande ville de l'empire ottoman, "la deuxième Rome", se nommait Constantinople, sa vieille ville s'appelant Stanbul. Dans L'architecte du sultan, Elif Shafak a choisi l'orthographe moderne d'Istanbul pour conter l'histoire imaginaire de Jahan, au XVIe siècle, au milieu de personnages réels comme Soliman, en bousculant quelque peu la chronologie, ce qui n'a pas une importance démesurée à partir du moment où il s'agit d'un roman historique qui permet toute licence narrative où le talent de l'auteur peut s'exprimer sans être bridé par la stricte exactitude des faits. Elif Shafak est une conteuse émérite et elle le prouve une fois encore dans ce récit situé entre les murs de la perle du Bosphore avec de brèves échappées vers l'Italie ou l'Inde. Jahan, garçon naïf, ambitieux et non dénué de défauts (le mensonge en fait partie) est notre guide dans la cité cosmopolite où la munificence des palais côtoie la puanteur des taudis. Dans ce conte oriental, les rebondissements ne manquent pas à mesure que Jahan grandit et apprend, Son regard s'enrichit de sa double profession : cornac d'un éléphant blanc et apprenti du plus grand architecte de son temps. Le parcours du héros d'Elif Shahak est marqué par la fidélité : à Chota, son animal, d'abord, sans aucun doute le plus "humain" et le moins roué de ses amis ; à Sinan, l'architecte émérite, cependant soumis au bon vouloir du sultan ; à Mihrimah, son seul et unique amour, mais impossible ; à Balaban, un gitan indomptable et narquois, qui le sortira de toutes les situations inextricables dans lesquelles il s'est fourvoyé. Au sein de la ville grouillante, la romancière multiplie les intrigues et adapte son ton à différents genres : documentaire, initiatique, mystérieux, sentimental. Du grand art pour une auteure aussi à l'aise dans la fresque que dans l'intimisme. L'architecte du sultan est un roman historique dont la modernité de style et de construction ne parait jamais anachronique. Ce qui en soi n'est pas une mince prouesse. Ce voyage dans le temps au carrefour de l'occident et de l'orient est un somptueux tableau vivant à admirer et à goûter pour ses mille et une saveurs.

Cinephile-doux
8
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le 5 janv. 2017

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